En un lieu comme Saint-Bonaventure, ancien couvent des cordeliers, la spiritualité franciscaine est importante. Sœur Elzbieta Walkowiak, franciscaine missionnaire de Marie, nous présente l’atelier qu’elle y anime depuis la semaine dernière : « Contemplatifs et missionnaires àl’exemple de saint François d’Assise ». Elle répond aux questions de Françoise Zehnacker.
La présentation de votre atelier, pose le problème de l’engagement du chrétien et de sa façon d’entrer en communion avec le Christ. Est- on nécessairement « Marthe » ou « Marie », y a-t-il les acteurs qui partent en mission et les contemplatifs qui s’en remettent àDieu, se laissant transformer par la Parole?
Sœur Elzbieta Walkowiak : Il me semble qu’il faut sortir de cette opposition ou comparaison, « Marthe » et « Marie », « contemplatif » et «actif ». Je me dis parfois qu’heureusement que Marthe a préparé le repas sinon Jésus n’aurait rien eu àmanger. La question porte plutôt sur l’esprit qui m’anime dans tout ce que je fais et vis; sur l’harmonie entre prière et service des hommes, entre vie familiale et vie donnée aux autres … Dans les Constitutions de ma Congrégation il est dit : « Le Christ contemplé nous envoie ànos frères, en qui nous découvrons sa présence cachée, et les frères nous renvoient àla contemplation du Christ ». Il y a donc ce va-et-vient quotidien entre la prière et la présence au monde. Toutefois, notre itinéraire spirituel doit nous amener àunifier ces deux mouvements.
Le moment de la prière comme le moment du service doit être habité par le même amour, par le même acte d’offrande de soi. Nos façons d’entrer en communion avec le Christ sont multiples comme sont multiples nos engagements chrétiens. Ce qui est important c’est que chacun entre dans une relation personnelle avec le Dieu-Père qui vient ànous en Jésus-Christ, et qu’il en vive dans sa vie la plus ordinaire. Mais peut-on entrer dans cette relation personnelle sans prendre du temps pour la prière, la lecture, la vie sacramentelle ? Dans la vie humaine quand on aime on veut passer du temps avec la personne aimée… Il y a quelque chose de semblable dans notre relation àDieu. Prendre du temps pour se laisser habiter, transformer, transfigurer… Une sœur se remet àDieu dans une vie monastique centrée sur la prière, un laïc engagé se remet àDieu dans sa vie professionnelle, associative, familiale. Faisant partie du même Corps, ils n’ont pas le même rôle, mais ils sont animés par le même Esprit.
Pour François d’Assise, la méditation, la prière précèdent ou accompagnent les actes, dans la vie d’un laïc engagé d’aujourd’hui, que peuvent apporter la contemplation et la prière ?
Pour savoir ce qu’apporte la prière ànotre vie il faut la « goûter ». François a passé de longues heures en prière avant d’être saisi par le Visage du Christ sur la croix qui est une manifestation, par toute sa vie, de la tendresse et de la miséricorde du Père. La contemplation chrétienne éduque notre regard. À force de contempler la vie du Christ, de méditer la Parole et d’approfondir l’histoire de l’Alliance, nous apprenons à« voir » avec les yeux du cœur éclairés par l’Esprit ; nous apprenons àdiscerner la présence invisible de Dieu dans l’épaisseur de l’humain.
La contemplation et la prière nous apprennent àregarder la vie, les hommes, les événements, la création, l’histoire avec les yeux du Christ. Le pape François écrit pour l’Année de la Miséricorde : « Combien je désire que les années àvenir soient comme imprégnées de miséricorde pour aller àla rencontre de chacun en lui offrant la bonté et la tendresse de Dieu ! Qu’àtous, croyants ou loin de la foi, puisse parvenir le baume de la miséricorde comme signe du Règne de Dieu déjàprésent au milieu de nous ». Avant d’offrir cette bonté de Dieu aux autres, il nous faut la contempler longuement, nous en laisser imprégner dans notre vie, en réjouir profondément. Oui, notre Dieu est un Dieu qui nous « couronne de tendresse et d’amour ».
Notre monde actuel est en quête de sens. Dans quelle mesure la connaissance de François d’Assise peut être une réponse àcette attente?
Voilàce qu’a écrit Eloi Leclerc : « François porte en lui le bouillonnement de son époque ; il en partage les aspirations, les ambitions et toutes les turbulences. Mais il est insatisfait de ce qu’il voit et ce qu’il vit. Il découvre la détresse des pauvres gens. Quelque chose se remue en lui. Il cherche, il prie. Et finalement il entend l’Évangile. Pas seulement avec ses oreilles, mais avec tout son être et c’est le déclic. Il se produit alors, dans le cœur de ce jeune homme, une rencontre extraordinaire entre les exigences de la Bonne Nouvelle et les requêtes profondes de son temps. François découvre, en effet, le Christ humble et pauvre, qui chemine parmi les hommes, leur révélant l’amour du Père.
Cet exemple devient la grande lumière de sa vie : il le met sur le chemin qui conduit àla vraie fraternité. Il s’engage àfond sur cette voie de pauvreté et d’humilité. La voie, qu’il propose se distingue par l’absence de toute espèce de domination dans les rapports humains : ils sont tous frères ». Nous ne pouvons pas reproduire la vie de François, mais nous pouvons nous enrichir de son itinéraire spirituel pour vivre le nôtre.
Propos recueillis àLyon, mars 2016. Plus d’informations sur les ateliers, ici.