Seigneur, ouvre nos lèvres…
Par Antoine Adam, Recteur de Saint-Bonaventure et chapelain de l’Hôtel-Dieu
Nous vivons la liturgie du temps pascal, où l’Eglise nous fait entendre les paroles du Christ riches en promesses. « Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit » (6ème dimanche du temps pascal). Le travail de l’Esprit en notre humanité nous fait passer de la lettre àl’Esprit. Travail parfois douloureux car il remet en question notre manière de nous comprendre. L’énoncé de la loi (qui est pour tous) est plus simple que son interprétation (qui relève du sujet écoutant). Le Christ, écoutant la Parole de la loi, ne cesse de l’interpréter en y engageant sa vie. Il le fait en sujet libre, en tant que Fils. La promesse du Christ, n’est-ce pas de nous enfanter àcette liberté des fils ? Cela bouscule le langage convenu, mais n’est-ce pas le prix d’une parole libérée ? Ce 8 avril, le pape François nous donne son exhortation « La Joie de l’amour – Amoris laetitia». Ce document magistériel, fait suite aux deux synodes sur la famille qui se sont tenus au Vatican en octobre 2014 et octobre 2015. C’est un risque qu’a pris le pape François d’engager les chrétiens, simples baptisés comme évêques choisis, tous membres du peuple de Dieu, àune réflexion sur la famille, qui n’est pas une entité abstraite, mais le lieu de réalités humaines très diverses et complexes.
Je n’ai pas encore lu cette exhortation, mais nous savons que, fidèle àsa ligne pastorale ancrée dans la dynamique de Vatican II, le pape François s’efforce de désenclaver l’Église en la poussant àsortir d’elle-même, de son champ autoréférentiel. En l’éduquant àla culture de la rencontre. Depuis plus de cent ans, des chrétiens alertent leur hiérarchie – qui porte la charge magistérielle – du fossé se creusant entre l’Église et les cultures contemporaines. Conscient du risque d’une « incommunicabilité » entre la culture chrétienne et les cultures contemporaines, le pape François appelle l’Église àtrouver « un nouveau langage, une nouvelle approche pour dire les choses ». Il y a bien des sujets qui fâchent aujourd’hui dans la société et dans l’Église, notamment tout ce qui a trait àla sexualité. Le plus simple serait-il de ne pas en parler et de s’en tenir àla lettre de la loi, en croyant que cela est « entendu »… ? Mais qu’en est-il de l’incarnation ? Qu’en est-il des personnes ? Et si nous commencions par écouter, en suspendant pour un temps ce que nous croyons savoir ? Peut-être que les mots et les paroles qui sortiraient de notre bouche auraient un autre goût, que l’énonciation d’une doxa qui n’est plus enracinée dans la vie des personnes.
Antoine Adam, Recteur de Saint-Bonaventure et chapelain de l’Hôtel-Dieu
Le texte de l’exhortation apostolique : Amoris laetitia, exhortation apostolique de François.