Morne plaine des trahisons répétées, des baisers ambigus qui aboutissent àde vains interrogatoires : « Je suis bien le Nazaréen ! » Sauf que dans cette terne horizontalité éclate, typique de l’Écriture de Saint Jean, la réponse de Jésus ; «JE SUIS = egw eimi » dont la dignité divine fait tomber àterre ses assaillants armés. Évidemment Pierre se retrouve en travers du chemin de son Seigneur : « La coupe que m’a donnée le Père, vais-je refuser de la boire ? »
La succession des procès bâclés, avec leurs suites de témoins aux paroles fausses, amène Jésus au silence. Cela se passe aussi bien devant Hanne (qui prophétise sans le savoir : « Il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple. »), que devant Caïphe que Jésus renvoie, pour son enseignement, àtous ceux qui l’ont écouté… ce qui lui vaut une gifle de la part d’un des gardes.
Du milieu des grands prêtres, Jean aide Pierre às’introduire dans la cour du procès, c’est le mettre en situation dangereuse ; trois reniements en sortiront avant le chant du coq. La longue confrontation avec les autorités politiques au Prétoire de Pilate ne prend guère plus de relief : en cause, non plus l’enseignement de Jésus, mais sa lignée royale et le danger qu’il représente pour le pouvoir romain. Pilate : « Es-tu le roi des juifs ?… j’ai le pouvoir de te relâcher », et Jésus de nouveau intouchable : « Tu n’aurais aucun pouvoir que tu n’aies reçu ! ». Dans toute cette vacuité, la foule ameutée par les grands prêtres se fait violente : « Si tu le relâches, tu n’es pas l’ami de César… crucifie-le ! ». Pilate tente de reprendre : « Es-tu le roi des juifs ? » – « Ma royauté ne vient pas de ce monde » – « Alors es-tu roi ? » – « Je suis venu rendre témoignage àla Vérité ». Enfin éclate un peu de transcendance, dans la bouche de Pilate, dont il ignore la profondeur : « Qu’est-ce que la Vérité ? ».
Une parodie de dialogue avec les foules de plus en plus menaçantes renforce le silence de Jésus ; la pourpre et une couronne d’épines, cela court àla farce ! Avec la fureur des foules exigeant sa mort, une phrase sublimement inconsciente de Pilate : « Voici l’homme ! ». C’est le juste innocent au nom de la Torah, le Fils au nom de son Père, que les grands prêtres veulent tuer. Heureusement, àcôté de la platitude des tractations des soldats qui tirent au sort sa tunique sans couture, la magnifique scène entre Jésus, Marie et Jean, fait émerger la verticalité de l’amour infini de Dieu ; deux autres sont les témoins : « Marie voici ton fils… Jean voici ta mère.» Deux affirmations théologiques inouïes : Marie, mère de Dieu, devient ainsi mère de l’Église.
De la croix sont issus deux signes johanniques : àla source des sacrements ecclésiaux, l’EAU ET LE SANG… ainsi TOUT EST ACCOMPLI ! Et àcause du coup de lance, ses os ne sont pas brisés (cf. Ps 34), et ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé. On va pouvoir déposer le corps intègre de Jésus dans le tombeau avec son écriteau : « Roi des juifs ». Tout est prêt pour la résurrection !