Une question de présence
par Antoine Adam, prêtre de l’Oratoire,
recteur de Saint-Bonaventure et chapelain de l’Hôtel-Dieu
La Bonne Nouvelle que nous recevons et annonçons, pour qu’elle soit crédible, suppose notre réception. Dans le temps de l’histoire, temps fini marqué par des limites, se joue une histoire de réception sur fond d’écoute et d’accueil. L’écoute : n’est-elle pas une disposition qui nous sort d’un enfermement ? L’écoute pour être « écoute », ne cherche pas le reflet de ses certitudes, mais quête le réel qui se présente en essayant de le déchiffrer et de l’accueillir. Écoute et accueil demandent un minimum de confiance. Celle-ci dans l’actualité des dernières semaines, semble être comme en retrait de notre paysage. Depuis jeudi, les peuples du Royaume Uni ont voté et choisi le Brexit, c’est-à-dire la sortie de l’Union Européenne. Ce choix électoral est un choc dans l’histoire de l’Europe. Déjàles marchés financiers s’affolent et les peuples de l’Union s’interrogent sur l’absence programmée de ce pays …
En juin dernier, le concile Panorthodoxe, attendu depuis mille ans, préparé depuis 1961, a commencé en Crète, réunissant plus de deux cents primats d’Églises Orthodoxes de par le monde… Mais àce rassemblement manquaient quatre Églises ; l’Église orthodoxe Russe étant la plus marquante. Du coup, quelle sera la portée de ce concile qui a pour objet un discernement devant être reconnu et partagé entre Églises soeurs ? Quelle seront les paroles qui jailliront de cet effort de confrontation, de discernement, de quête de communion entre des Églises si diverses, si l’une d’entre elles manque? Que deviendra-t-elle elle-même, si elle se fragilise en ne voulant pas partager le débat ?
Dans un monde de plus en plus interdépendant, le difficile travail d’écoute et d’accueil, demande une intelligence de la complexité humaine, des peuples et des cultures.
Cette intelligence peut-elle advenir si nous refusons, individuellement ou comme peuple, de ne pas avoir toute la maitrise de la vision et de la construction d’un avenir commun ? Cet avenir ne peut exister que sous deux formes, la confrontation violente, c’est-à-dire par la domination de l’autre ànotre point de vue ou bien par la parole.
Celle-ci suppose l’existence de partenaires qui se parlent et s’écoutent et essaient de se comprendre…. Cela ne vous rappelle rien ?
Il est étonnant que les Écritures bibliques aient pour cadre ce schéma de l’Alliance où il est question non pas de domination mais de rencontre précisément par la parole, le Verbe ! Ce qui suppose de part et d’autre une présence apte àla rencontre… Comme si les Écritures nous soufflaient que le monde ne sortirait de la spirale de la violence et de la domination qu’en choisissant le chemin de l’écoute et de la parole ; àcondition bien sûr que son usage ne soit pas biaisé ou trompeur.
Cette question de l’écoute et de l’accueil, àquelques mois d’échéances
électorales majeures pour la vie de notre pays, nous avons choisi pour la rentrée prochaine de l’aborder àtravers le prisme de la fraternité. Dans notre mémoire ecclésiale et républicaine, la fraternité une est dimension de notre culture, même si elle existe par intermittence… souffrant d’un manque d’incarnation sur le long terme.
Oser s’arrêter àcette question nous obligera àmieux intégrer l’appel que nous lançait il y a un an le pape François dans son encyclique « Laudato Si’ », sous-titrée : « Sur la sauvegarde de la maison commune ». Il nous conviait àsortir de schémas idéologiques qui ont violenté toutes les créatures vivantes sur la terre. Parce que toutes les créatures ont été pensées et voulues par le Créateur en interdépendance et que « tout est lié », n’est-il pas temps d’entrer dans une intelligence de la fraternité comme l’avait intuitivement découvert le pauvre d’Assise ? Ce temps estival, avec la grâce de l’été, peut être propice àla détente, au repos.
L’année a pu être chargée, traversée d’épreuves parfois lourdes àporter. Je souhaite àchacun et chacune, de trouver un moment pour se retrouver soi-même en présence de son Créateur. C’est là, je crois, que nous retrouvons le goût d’exister, que nous redevenons présents au temps au lieu de le subir.
Bon été àchacun et rendez-vous àla rentrée pour vivre cette traversée dans une fraternité … àrecevoir et àconstruire !
Antoine Adam,
prêtre de l’Oratoire, recteur de Saint-Bonaventure et chapelain de l’Hôtel-Dieu