La sainteté n’est pas un idéal rêvé, elle est une vocation àvivre.
Et pourtant elle est souvent perçue ou traitée comme un idéal. Du même coup, elle demeure àdistance … Désirable, oui. Accessible, non ! Sorte de défi que seule une petite élite, petit nombre d’êtres choisis,  exceptionnels, peuvent relever avec succès. Du reste, il n’est que de regarder leur vie : non seulement ils ou elles  excellent dans toutes les vertus et collectionnent tous les talents et les perfections morales, intellectuelles, spirituelles et autres, mais, en plus : ils font des miracles ! Qui pourrait envisager sérieusement d’appartenir àune telle compagnie ? De fait, raisonnablement, le grand nombre se dit « ce n’est pas pour moi »…. Vue la conception qu’on se fait de la sainteté, on peut comprendre. Mais il faut le regretter !
Car si elle n’est pas un  idéal inaccessible, la sainteté est, en revanche, une vocation àvivre. Le grand texte du concile Vatican II sur l’Eglise ne dit pas autre chose lorsqu’il parle de « l’appel universel » àla sainteté. Il rappelle par làque la sainteté est pour tous, sans distinction, sans exclusive et que chacun, chacune doit se sentir concerné.
De la Première àla Nouvelle Alliance,  résonne cet appel àla sainteté : « Soyez saints parce que je suis Saint », « Vous donc soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait », « Soyez miséricordieux comme votre Père des cieux est miséricordieux », et encore : « Aimez-vous les uns les autres je vous ai aimés »… Comment songer àtenir àdistance ces appels répétés ?
Au vrai, ce qu’il faut c’est consentir àcroire que nous sommes capables de relever le défi évangélique de l’amour. C’est un vrai et double défi : celui de l’amour de Dieu et celui, conjoint, de l’amour de l’autre, du prochain. Il inclut aussi l’amour de soi. Alors pourquoi se mettre en réserve du meilleur de nous mêmes ? Nos protestations d’humilité – reconnaissons-le, sont souvent de mauvaises excuses : « je n’en suis pas capable », « je n’ai pas les talents suffisants », « c’est trop haut pour moi »… C’est d’autant plus regrettable que, si nous prenions le temps de faire un peu le point, nous nous rendrions compte que bien souvent, au nom de l’Evangile et grâce àlui, nous sommes prêts àfaire beaucoup, et faisons déjàbeaucoup. Et c’est une pensée encourageante !
La fête de la Toussaint – toute proche – est la fête d’une vaste foule d’illustres inconnus qui ont laissé leurs vies être transformées par l’Evangile et l’amour du Christ. Dans les circonstances qui furent les leurs, et avec leur humanité telle qu’elle était, ils se sont laissés rejoindre par un Christ qui leur disait que « la puissance de Dieu se déploie dans la faiblesse ». Et ils l’ont laissé se déployer dans leurs existences.  Ils ont fait ce qu’ils ont pu, et n’ont fait que cela. Mais ils l’ont fait ! On ne leur demandait pas autre chose.
A nous non plus il n’est pas demandé de faire autre que de nous gagner àl’amour de Dieu et du frère. Tout notre programme de sainteté est là. Il n’est pas facultatif.
Gilles-Hervé Masson, dominicain, vicaire àl’église Saint-Eustache