Des Oratoriens méditent la Bible. Luc Forestier (18.11.2016)
1ère lecture du vendredi 18 novembre 2016
1ère lecture du vendredi 18 novembre 2016
Puis la voix du ciel, que j’avais entendue, me parla de nouveau : » Va prendre le petit livre ouvert dans la main de l’Ange debout sur la mer et sur la terre. » Je m’en fus alors prier l’Ange de me donner le petit livre; et lui me dit : » Tiens, mange-le ; il te remplira les entrailles d’amertume, mais en ta bouche il aura la douceur du miel. » Je pris le petit livre de la main de l’Ange et l’avalai ; dans ma bouche, il avait la douceur du miel, mais quand je l’eus mangé, il remplit mes entrailles d’amertume. Alors on me dit : » Il te faut de nouveau prophétiser contre une foule de peuples, de nations, de langues et de rois. «
(Apocalypse 10, 8-10)
La traversée de l’Apocalypse nous plonge dans un monde d’images et de symboles, qui stimulent notre imagination. Les signes terribles, les paroles mystérieuses, la multiplication des visions fantastiques, tout cela peut nous troubler un peu. Mais voilàqu’aujourd’hui, c’est un objet bien familier qui nous est proposé, un « livre ». Tout au long de l’Apocalypse, cet objet est mobilisé, mais l’épisode est ici unique. Ailleurs, on ouvre le livre, on inscrit des noms, on brise des sceaux qui le tiennent fermé, on le transmet sans rien ajouter, ni retrancher. Mais ici, il s’agit de manger le livre !
Le plus étonnant est le goût de ce livre, àla fois miel et amertume, sachant que cette amertume n’apparaît qu’au moment de la digestion… Pourquoi une telle insistance sur l’amertume ? Voudrait-on nous décourager de lire et surtout de manger la Parole ainsi accessible ? Veut-on se démarquer de toute démarche publicitaire qui cherche àfaire croire que le christianisme va automatiquement nous rendre heureux, sans les purifications que cette Parole de vérité vient opérer dans nos vies mêlées ? Veut-on nous alerter sur l’expérience ecclésiale qui est un composé de douceur et d’âpreté, comme nous le savons bien ?
C’est sans doute la fin de ce passage qui nous offre une clé possible : pour le voyant de l’Apocalypse, pour l’Église qui s’y reconnaît, pour notre propre existence, c’est une mission qui nous attend. Une mission d’annonce qui traverse notre vie, et qui la renouvelle. Une mission qui est spirituelle, car c’est une Parole intérieure qui s’est donnée ànous comme aux autres. Une mission qui est tout autant politique, car c’est une Parole qui prend corps dans l’histoire, dans la diversité des nations et des peuples, et même face aux « rois » d’hier et d’aujourd’hui. Dans les temps électoraux qui s’ouvrent, c’est un vrai programme pour discerner entre miel et amertume.
Luc Forestier, prêtre de l’Oratoire àParis