Les célébrations de début novembre
par Michel Quesnel, prêtre de l’Oratoire àLyon
Sous nos latitudes, novembre est réputé pour être un mois cafardeux. Les jours se font de moins en moins longs, le soleil se fait de plus en plus rare, le froid se manifeste, accompagné de brouillards et de pluies. Inévitablement, les célébrations qui marquent le début du mois se ressentent de cette atmosphère. Une expression existe, d’ailleurs, pour commenter les jours où le temps est gris : « C’est un temps de Toussaint », dit-on.
Cette morosité est compréhensible pour le 2 novembre, jour de la Commémoration des défunts. Lorsqu’on a récemment perdu un proche, ce jour en ravive le souvenir et souligne la perte que l’on a subie, en oubliant peut-être – et c’est dommage lorsqu’on est croyant – que le défunt est maintenant dans l’état auquel le Dieu d’amour le destine définitivement, àsavoir la béatitude éternelle. Être triste ce jour-là, c’est se regarder soi, plutôt que regarder l’autre.
Quant àla Toussaint, en dehors de la météorologie, il n’y a aucune raison qu’elle soit baignée de tristesse. Pour lui donner toute sa luminosité, il aurait sans doute mieux valu la situer àun autre moment de l’année. Le fait qu’elle tombe la veille du 2 novembre fait que son lendemain déteint sur elle. C’est une fête de communion, communion avec tous les humains qui se sont ouverts au pardon que Dieu leur offre. Ils sont légion, ils sont nos modèles, ils nous invitent àvivre nous-mêmes des pardons avec des frères et soeurs auxquels la vie nous a opposés pour une raison ou pour une autre.
Les deux jours, le 1er et le 2 novembre, sont cependant attachés l’un àl’autre dans nos têtes, et il faut bien en tenir compte : la tristesse et la joie sont en compagnie ; et l’on a parfois envie d’écrire, comme Khalil Gibran dans Le Prophète :
« Votre joie est votre tristesse sans masque ».
Puisque j’évoque la poésie, je vous propose un poème dont je ne suis pas l’auteur, écrit àl’occasion de la Toussaint par un oratorien maintenant décédé, le père Joseph de Tinguy, publié dans un recueil intitulé L’oeil aimanté (Paris, 1980).
Le 1er et le 2 novembre s’y côtoient. Sous le ciel noir les Innombrables / les sans visage les sans-nom / les oubliés les mémorables / les étoilés les grains de sable / Ceux qui restent ceux qui s’en vont / sous le ciel noir / Les baladins les bateleurs / ceux qui ne croient qu’en leur science / ceux qui n’auscultent que leur coeur / ceux qui ont froid ceux qui ont peur / ceux qui n’entendent que silence / sous le ciel noir Ceux qui voient dans l’Autre Lumière / la Face du Transfiguré / ceux dont le corps pétri de terre / se reconnaît régénéré / ceux qui par l’Esprit clament Père » / Innombrables oh ! les revoir / revoir ceux qui m’appelaient « Frère » / sous le ciel noir.
Michel Quesnel, prêtre de l’Oratoire àLyon.