Depuis soixante ans, l’exploration de l’espace n’a pas cessé de nous réserver des surprises. Après Spoutnik et son « bip bip », après le premier pas d’un homme sur la Lune, après les images de notre Terre prises depuis Mars ou àtravers les anneaux de Saturne, nous devons la dernière de ces surprises àla sonde Voyager 1. Elle a été lancée il y a quarante ans et, depuis sept ans, a quitté notre système solaire pour affronter le vide intersidéral ; làoù aucune machine humaine n’avait jusqu’alors glissé la moindre antenne. La surprise ? Eh bien, c’est le mot que son quarantième anniversaire a inspiré àun jeune autiste américain ; un message destiné àd’éventuels extraterrestres, qui accompagnera la sonde dans la poursuite de son odyssée. Ce message, le voici : « Nous offrons l’amitié àtravers les étoiles. Vous n’êtes pas seuls. » J’aime cette invitation àinverser l’habituelle perspective. Plutôt que de nous demander, comme nous le faisons depuis des millénaires, si nous sommes ou non seuls dans l’univers, voilàque nous avons l’audace de nous adresser àd’hypothétiques aliens et même de nous mettre àleur place.
Je peux vous l’avouer : j’ai trouvé àce message lancé vers le ciel une saveur toute évangélique. D’abord, un écho àla parabole du bon Samaritain ; souvenez-vous de la finale qui répond àla question posée àJésus, mais àl’envers : mon prochain peut être celui qui me vient en aide, tout autant que celui auquel je porte secours. Ensuite, une manière tellement simple et pourtant si vraie de mettre en œuvre la fraternité humaine : avant toute autre chose, rompre l’éventuelle solitude dans laquelle l’autre (autrement dit l’alien, qu’il soit proche ou étranger) peut se trouver enfermé. « Vous n’êtes pas seuls » : une fois cette parole dite ou le geste équivalent posé, une fois réalisée cette « rencontre du troisième type » pour prendre le langage de la science-fiction, il sera toujours grand temps de nous demander quelle attitude prendre, juste, adaptée, raisonnable.
J’aime le mot de Jean-Claude Carrière : « Des extraterrestres, je ne sais pas si nous en rencontrerons un jour ; mais des terrestres extras, je sais qu’ils existent bel et bien. » Pour autant, je crois que tout « terrestre », quel qu’il soit, mérite de s’entendre dire par un de ses semblables : « Tu n’es pas seul ! »
Jacques Arnould, chargé de mission au CNES