Au cours d’un récent voyage dans un pays hispanophone, j’ai découvert – ou redécouvert – la formule de l’envoi, àla fin d’une messe. En France, la formule prévue par le rituel est : « Allez dans la paix du Christ. » Celle que j’ai entendue lors de ce voyage se traduit ainsi : « Sanctifiez Dieu par votre vie, et allez dans la paix du Christ. » J’en ai dit un mot dans l’homélie que j’ai prononcée dimanche dernier. J’aime cette formule plus complète, qui fait le lien entre la célébration eucharistique qui s’achève et la vie que l’on va mener une fois sorti de l’église, alimentée par la Parole et la communion reçues.
Mais « sanctifier Dieu », qu’est-ce que cela veut dire ? Dans la tradition biblique, Dieu seul est saint. Il est même le Saint par excellence. En quoi et comment pouvons-nous le sanctifier ? Evidemment, nous n’ajouterons rien àla sainteté de Dieu. Mais, dans une création réussie, la sainteté de Dieu vaut d’être imitée et elle a, si l’on ose dire, quelque chose de contagieux. On peut lire dans le livre du Lévitique : « Le Seigneur parla àMoïse et dit : ‘Parle àtoute l’assemblée des fils d’Israël. Tu leur diras : Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint.’ » (Lévitique 19, 1-2). Et saint Paul n’hésite pas, dans plusieurs de ses épîtres, às’adresser àses destinataires en les appelant « les saints », par exemple au début de l’épître aux Philippiens : « Paul et Timothée, esclaves du Christ Jésus, àtous les saints en Christ Jésus qui sont àPhilippes, avec leurs épiscopes et leurs diacres » (Philippiens 1, 1 ; traduction littérale). La sainteté n’est pas réservée aux défunts, elle ne peut exister chez eux que si elle les a animés dans le cours de leur vie terrestre.
Lorsque, dans la prière du Notre Père, nous disons àDieu « que ton nom soit sanctifié », ce voeu a de la consistance, précisément parce que les créatures peuvent, par leur beauté, leur bonté, leur accueil de la miséricorde et leur sainteté quand il s’agit des humains, faire écho àla sainteté de Dieu. Une belle fleur manifeste la sainteté de Dieu. Une belle oeuvre d’art aussi. Un beau geste également.
Je forme alors ce voeu, qui a toute son actualité en cette période de Carême : que la beauté de nos célébrations se prolonge dans notre quotidien par la beauté de nos vies. Il y aura alors unité entre ce qui se vit dans les lieux de culte et ce qui se vit en dehors d’eux. Ainsi, tout autour de nous, le monde aura devant les yeux la sainteté du Dieu biblique manifestée par ses fidèles.
Père Michel Quesnel, prêtre de l’Oratoire, chapelain àSaint-Bonaventure