L’église Saint Eustache et son curé, le Père Yves Trocheris, ont accueilli cette année, dans le cadre de la Nuit Blanche, une exposition des étudiantes de l’Ecole nationale supérieure des Arts décoratifs qui ont mené un travail dans le cadre d’un module de recherche et de création sous la conduite de leur professeur et artiste, Nathalie Junod Ponsard et en collaboration avec Anne Ferrer. A l’occasion de cette édition 2018, cinq installations sont présentées qu’elles ont conçues au cours de leur année d’étude.
Ces œuvres ont été respectivement présentées sous le grand orgue, dans le chœur, la chapelle de la Vierge, où figure une sculpture de Jean-Baptiste Pigalle et dans deux des chapelles du transept Nord. Toutes sont liées par deux matériaux fondateurs : la lumière et le textile. Mais chacune d’entre elles avait son approche et sa mise en espace de ces deux éléments si souvent présents dans la pensée philosophique mais aussi religieuse de notre histoire. Éclairer, tisser, elles nous proposent une exploration visuelle entre les jeux de la lumière et les exigences de la matière. Par un heureux voisinage, elles viennent en écho àdeux œuvres déjàprésentes dans l’église : le travail de lumière de John Armleder dans la Chapelle des Charcutiers et, près de l’accueil, celui de Sidival Fila avec une tapisserie de fils.
L’histoire commence avec la Genèse où la première action du créateur est celle de faire paraître la lumière. La lumière, immatérielle, indispensable ànotre connaissance est aussi ce qui rend visible l’invisible. Mais est-il immédiatement précisé, la lumière fut séparée de l’obscurité pour créer le jour et la nuit. Les artistes quant àelles ont choisi d’adjoindre àla lumière la matérialité du tissu, fruit patient du travail de l’homme qui fabrique vêtements, linges, draperies que le voyageur emportera précieusement avec lui et deviendront peut-être un jour les guenilles dont le sans-abri saura se servir. En prenant appui sur la matière, ici des tissus réformés, généreusement donnés par le Mobilier national, la lumière devient 05proche. Sa présence nous invite àprendre le temps de poser notre regard, de lui offrir un peu de notre attention. Dans le cadre de la thématique donnée par leurs professeurs, les étudiantes ont été amenées àintroduire la notion d’exil, celui des hommes mais aussi pour l’une d’entre elles, celui de la forêt et par la même de la nature. Pour ces jeunes artistes, l’exil c’est quitter un lieu, abandonner le quotidien, sauvegarder le strict nécessaire. En utilisant des tissus destinés àêtre jetés, elles donnent une autre vie àce qui devait être mis au rebut. En les remplissant des lumières qui traversent leur trame et se faufilent dans leurs ouvertures, elles créent des passages qui abolissent les frontières. La vie renaît.
Saint Eustache n’est pas un lieu d’exposition comme un autre, c’est un lieu de rassemblement et aussi de lumière, une lumière visible de par son architecture et ses vitraux, mais aussi invisible de par sa destination. « Le christianisme est une spiritualité incarnée » écrit Jérôme Alexandre, théologien. Et il ajoute « parallèlement, la nature de l’art est d’incarner le désir, l’intelligence, la conscience de soi et du monde dans la matière ». Ainsi les œuvres installées spécialement pour cette Nuit blanche nous ont invités dans leur grande qualité plastique àune déambulation où cette lumière se révèle, comme une épiphanie, dans un parcours entre chaîne et trame et, pourquoi pas, entre ce qui tisse nos vies.
Françoise Paviot, chargée de l’art contemporain àSaint Eustache.
Remerciements àla Mission Nuit blanche, l’Ensad, le Mobilier national, les artistes et leur professeur.