« Dieu guérit- il encore ? » Présentation du père Luc Forestier, directeur de l’ISEO.
Propos recueillis par Priscilia de Selve, Journal Paris Notre-Dame, 16 janvier 2020.
Les pratiques liturgiques de guérison connaissent un succès croissant au sein de l’Église catholique. Comment comprendre ce succès et accompagner ces pratiques ? Le colloque annuel des Facultés, rassemblant catholiques, orthodoxes et protestants au sein de l’Institut supérieur d’études Å“cuméniques, se penche du 28 au 30 janvier sur ces questions.
Présentation du P. Luc Forestier, directeur de l’ISEO.
Propos recueillis par Priscilia de Selve.
Paris Notre-Dame – « Dieu guérit il encore ? Ressources liturgiques, discernement Å“cuménique ».
Pourquoi avoir choisi ce thème ?
Luc Forestier – Parce que les pratiques liturgiques de guérison se développent de manière croissante dans nos parois ses, y com pris àParis. Et que la question de la guérison se pose aussi bien du point de vue Å“cuménique – ces pratiques sont nées dans le monde pentecôtiste puis ont été introduites en Europ e avec les communautés nouvelles – que du point de vue liturgique. C’est d’ailleurs pourquoi, cette année, nous avons souhaité organiser ce colloque avec l’Institut supérieur de liturgie. On limite souvent les sacrements de guérison àl’onction des malades, en oubliant l’eucharistie, le baptême, la réconciliation, et cette expression de « guérison » peut être ambivalente car tout le monde ne sort pas guéri de ces célébrations. C’est pourquoi nous avons utilisé le verbe, en soulignant le fait que c’est bien Dieu qui guérit, afin de nous situer dans un axe théologal : qu’est-ce que Dieu fait aujourd’hui ?
N.-D.- Quel regard le prêtre catholique que vous êtes porte-t-il sur ces pratiques issues du pentecôtisme ?
L.F. – A titre personnel, je suis assez perplexe, et c’est pourquoi je suis heureux de participer àce colloque. Mais il faut bien voir l’échelle de temps que nous considérons. Dans nos anciennes pratiques ecclésiales, ces liturgies de guérison existaient déjà. Sur la durée, on a toujours pensé la vie chrétienne com me une forme de guérison, car nous sommes « affectés » par le péché. La séparation entre la guérison physique et spirituelle a une histoire : on peut la dater et comprendre d’où elle vient. Même dans les communautés pentecôtistes, on peut en situer l’origine. C’est pourquoi ce colloque débute par un rappel historique. Aujourd’hui, les questions qui sont les nôtres s’inscrivent dans un contexte très particulier : celui du progrès médical et du transhumanisme. Elles résultent aussi de la prise de conscience que notre planète est fragile, que tout est lié, et nous invitent àreconsidérer ces modes de pensée qui séparaient jusque-làle corps et l’âme, l’homme et l’animal, l’humain et le vivant. Ce processus de séparation conduit aujourd’hui aux excès que nous connaissons sur le plan écologique. L’écologie intégra le pense l’être humain àl’intérieur d’un ensemble planétaire, sans séparation mais sans confusion, et nous amène àrevenir sur une conception trop ration elle de la foi chrétienne, sur la dévalorisation de la dévotion populaire au nom d’un cléricalisme ruineux. Pour moi, tout cela est lié àun grand mouvement de prise de conscience d’une vision plus holistique de la réalité. Le pari de ce colloque est que les approches liturgique et Å“cuménique, complémentaires, vont s’enrichir l’une l’autre et vont nous permettre de discerner, car tout n’est pas recommandable.
L’Institut supérieur d’études œcuméniques
Fondé en avril 1967 au lendemain du concile Vatican II, l’ ISEO associe les trois confessions catholique, orthodoxe et protestante, grâce àla collaboration étroite du Theologicum de l’Institut catholique de Paris, de l’ Institut de théologie orthodoxe Saint- Serge et de l’Institut protestant de théologie. Enseignement, administration… « tout se fait àtrois voix, précise le P. Luc Forestier, directeur de l’ISEO, ce qui permet ànos étudiants de voir comme nt nous traitons théologiquement nos désaccords. Cette pédagogie est unique. Nos études sont expérientielles : nous ne faisons pas que parler de l’Å“cuménisme, nous le vivons. En regardant les autres confessions réfléchir aux mêmes questions, nous apprenons àmieux comprendre ce qui fait l’originalité de chacune ».