Nous avons des nations une définition qui valorise leur puissance : on les classe selon leur pouvoir économique ou leur poids démographique: la Chine domine, suivie de l’Inde, des Etats-Unis, … Est-ce bien à ces nations que les Écritures font référence? Quand nous reprenons les paroles du Seigneur en chantant « Allez par toute la terre annoncer l’Evangile aux nations » parlons-nous de ces puissances-là? Et si, l’espace d’un instant, au lieu d’une définition par la puissance, nous définissions les nations par leurs fragilités ?
Nous sommes 65 millions de français – exactement le même nombre que la population mondiale des réfugiés et déplacés – ceux qui fuient les conflits au Sud Soudan ou la guerre en Syrie. Nous connaissons la Suisse et ses 8 millions d’habitants. Exactement le même nombre que les femmes et enfants qui vivent du revenu de marins travaillant dans des conditions quasi inhumaines sur des porte-conteneurs et autres vraquiers. Nous connaissons les Etats-Unis et leurs 300 millions d’habitants – à peu près le même nombre que les travailleurs immigrés qui chaque mois envoient de l’argent à leurs familles, payant des fortunes en commissions pour subvenir aux besoins quotidiens de ceux restés au pays.
Alors pourquoi ne pas tenter cette autre piste pour définir les nations que le Seigneur nous invite à évangéliser. Pour rencontrer ces nouvelles nations, nul besoin d’entamer un long périple – leurs membres habitent nos quartiers, nos immeubles. Dès lors il ne s’agit pas seulement de porter la bonne nouvelle en des terres lointaines mais bel et bien de témoigner de l’Evangile dans nos vies, en ayant souci des fragilités qui nous entourent. Les nations sont en fait là, aux pas de nos portes. L’Eglise est alors universelle non seulement car elle parle au peuple de Dieu quel que soit son pays, mais également car elle parle – ou doit s’efforcer de parler toujours plus – à ceux qui sont les plus fragiles, quelles que soient ces fragilités.
Enfin, à bien y réfléchir, nous-mêmes appartenons sans doute à une de ces nations. Cherchons alors dans ce temps de l’Avent ces fragilités qui nous entourent mais aussi celles qui sont les nôtres et que d’autres frères ont en partage. « C’est quand je suis faible que je suis fort » (2 Cor. 12:10).
François Perrot, paroissien de Saint Eustache