« Ce que le Seigneur a semé en nous, est une boussole, un gouvernail qui toujours nous dirigera ànouveau vers Lui »
Méditation du P. Jean-Marie Martin
Méditation du P. Jean-Marie Martin
Évangile du samedi 23 juillet 2022
En ce temps-là, Jésus proposa aux foules une autre parabole : « Le royaume des Cieux est comparable àun homme qui a semé du bon grain dans son champ. Or, pendant que les gens dormaient, son ennemi survint ; il sema de l’ivraie au milieu du blé et s’en alla. Quand la tige poussa et produisit l’épi, alors l’ivraie apparut aussi. Les serviteurs du maître vinrent lui dire : “Seigneur, n’est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il y a de l’ivraie ?†Il leur dit : “C’est un ennemi qui a fait cela.†Les serviteurs lui disent : “Veux-tu donc que nous allions l’enlever ?†Il répond “Non, en enlevant l’ivraie, vous risquez d’arracher le blé en même temps. Laissez-les pousser ensemble jusqu’àla moisson ; et, au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Enlevez d’abord l’ivraie, liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, ramassez-le pour le rentrer dans mon grenier.†»
Matthieu 11, 25-27
J’ai le très lointain souvenir d’un film où le héros avait découvert en lui je ne sais plus quelle tare qui le tourmentait, car il ne voyait plus qu’elle, et cette obsession l’anéantissait peu àpeu. Il avait découvert un praticien occulte qui lui promettait d’extraire de lui ce qui l’affligeait ainsi. L’opération avait pleinement réussi, mais quand l’opéré reprit sa vie normale, il se rendit compte peu àpeu, au cours des événements de son existence, qu’il ne se reconnaissait plus, il se découvrait autre que lui-même, un étranger l’habitait, il frôla la folie, et son existence devint un véritable enfer. Une fiction, bien sûr, mais qui avait un message assez pertinent àdélivrer. On n’est pas loin d’une parabole, non ?
Je n’ai jamais lu ou entendu l’évangile du bon grain et de l’ivraie sans ressentir un grand souffle d’espérance s’emparer de moi. Le vent souffle sur le champ de blé, il courbe par vagues les épis tout autant que l’ivraie, le soleil brille sur l’épi comme sur l’ivraie, et la pluie les arrose tous deux, sans distinction, pour les aider àcroître. Le Seigneur fait briller son soleil sur les mauvais comme sur les bons.
Un jour, le Seigneur traverse un champ de blé, suivi de ses disciples ; ceux-ci glanent par-ci par-làcar ils ont faim. Quant àJésus, il est animé d’une autre faim, il pense àla moisson, il pense àson Père qui attend la récolte… Jésus laisse aller sa main nonchalamment àla surface du champ de blé, sur les vagues des épis, lesquelles sont formées par le souffle du vent. Son geste sur le blé ressemble àune caresse, et les épis, qui ondulent sous l’action du bienveillant zéphyr, profitent de cette caresse, tout autant que l’ivraie, cachée là, qui fut semée insidieusement parmi la bonne semence… Jésus ne s’effraie pas de cette intruse, il connait le cœur de l’homme, il est venu le sauver, il veut le sauver, et il va le sauver, car il l’aime, malgré tout, malgré exactement tout !… Ce blé nourrira les hommes, l’ivraie nourrira le feu. Mais Jésus, Pain de Vie – fruit d’une Moisson épargnée par l’ivraie qu’est le péché, moisson sustentée et entretenue par le Souffle de Dieu –, nourrira l’Homme pour la Vie éternelle.
S’il nous arrivait – sait-on jamais – de nous désespérer de telle ou telle mauvaise habitude ou déviance pesante, effrayés par la présence d’une ivraie qui cohabite avec le blé porteur d’espoir fondé sur de grandes impulsions et réalisations, eh bien, soyons en paix. Oui, le Seigneur ne désespère pas de l’ivraie que la vie a semée en nous en maintes circonstances. Loin de là! Notre tort serait de ne regarder que cette ivraie et de nous en tourmenter. L’amour de Dieu ne se désole pas de ce qui est contraire àson projet de vie sur nous, car ce que Lui a semé en nous, le sens de Lui-même, la prescience de Lui-Même, la conscience de Lui-Même, est une boussole, un gouvernail qui toujours nous dirigera ànouveau vers Lui. Nous finirons toujours par Le retrouver car Il est notre finitude, notre Oméga.
Jean-Marie Martin, Oratorien àParis
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Illustration : Le Semeur au soleil couchant, Vincent Van Gogh, Arles, juin 1888, Kröller-Müller Museum (Otterlo)