En ce temps-là, un lépreux vint auprès de Jésus ; il le supplia et, tombant àses genoux, lui dit : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Saisi de compassion, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux, sois purifié. » À l’instant même, la lèpre le quitta et il fut purifié.
Avec fermeté, Jésus le renvoya aussitôt en lui disant : « Attention, ne dis rien àpersonne, mais va te montrer au prêtre, et donne pour ta purification ce que Moïse a prescrit dans la Loi : cela sera pour les gens un témoignage. » Une fois parti, cet homme se mit àproclamer et àrépandre la nouvelle, de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais restait àl’écart, dans des endroits déserts. De partout cependant on venait àlui.
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
Méditation
« Le Seigneur parla àMoïse et àson frère Aaron, et leur dit : ‘’Quand un homme aura sur la peau une tumeur, une inflammation ou une pustule, qui soit une tache de lèpre, on l’amènera au prêtre Aaron ou àl’un des prêtres ses fils. Le lépreux atteint d’une tache portera des vêtements déchirés et les cheveux en désordre, il se couvrira le haut du visage jusqu’aux lèvres, et il criera : “Impur ! Impur !†Tant qu’il gardera cette tâche, il sera vraiment impur. C’est pourquoi il habitera àl’écart, son habitation sera hors du camp. » (Lv 13, 1-2.45-46) Telle était la destinée des lépreux selon la loi de Dieu, consignée dans le livre du Lévitique. Ils étaient mis àl’écart, au ban de la société, parce que considérés comme impurs et intouchables. Ils ne pouvaient entrer dans une ville ou un village, tout au plus pouvaient-ils mendier àla porte.
Lorsqu’on accepte que la promesse de Dieu est offerte àl’humanité entière, et non pour une partie d’entre elle, alors il apparait qu’une telle compréhension de la loi de Dieu est clivante. Non seulement elle construit un « mur » (St Paul) entre le peuple élu et les autres peuples, mais, en outre, àl’intérieur du peuple d’Israël, elle divise àpartir des catégories religieuses du pur et de l’impur : les lépreux, les aveugles, les pécheurs publics sont stigmatisés comme impurs et, àce titre, mis àl’écart. Une telle interprétation de la loi se révèle contradictoire avec l’idéal qu’elle est censée servir : construire une société de justice et de paix. Une telle division entre les hommes ne peut être un chemin vers celui dont le projet est de proposer son amour àtous. Si mur il y a entre les hommes, il ne peut être justifié au nom de Dieu et de sa loi.
À l’inverse, àtravers une grande cohérence entre ses paroles et ses actes, Jésus a déplacé l’interprétation de la loi : il la libère des notions de pureté et d’impureté, alors dominantes, pour la situer sur un autre registre, celui d’une sainteté éclairée par l’amour miséricordieux du Père (Mt 5). En cela, il a abattu « le mur de la haine » entre le peuple d’Israël et les nations : « C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité ; par sa chair crucifiée, il a détruit ce qui les séparait, le mur de la haine. Il a supprimé les prescriptions juridiques de la loi de Moïse. Ainsi, àpartir des deux, le Juif et le païen, il a voulu créer en lui un seul Homme nouveau en faisant la paix, et réconcilier avec Dieu les uns et les autres en un seul corps par le moyen de la croix ; en sa personne, il a tué la haine. Il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix, la paix pour vous qui étiez loin, la paix pour ceux qui étaient proches. » (Eph 2, 14-16)
Les paroles et les actes de Jésus ont un effet inclusif porteur de cette paix, quitte àêtre lui-même mis àl’écart, prêt àsubir les conséquences de son comportement. La guérison du lépreux en est une belle illustration : le lépreux qui était marginalisé, peut aller et venir dans la ville. À l’inverse, selon une dynamique qui annonce la Passion, Jésus doit se cacher et rester àl’écart, dans des endroits déserts, portant l’opprobre dont souffrait celui qu’il vient de libérer. « Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu. » (2 Cor 5, 21)
Ce récit de guérison oriente notre capacité de discernement vers les interprétations des « lèpres » qui nous frappent, des situations de fragilité personnelle ou sociale interprétées en termes de fléau et qui sont l’objet de tant de commentaires et d’interprétations : Parmi ceux-ci, quels sont ceux qui sont utilisés pour mieux diviser les hommes en diverses catégories et mieux nous opposer les uns aux autres ? Quelles sont ceux qui les utilisent pour rassembler au service d’un projet d’une société de justice, de paix et de joie, où chacun aurait sa place ? Rien ne peut nous séparer de l’amour du Christ, C’est lui notre paix !
François Picart, prêtre de l’Oratoire