Témoins, ni plus ni moins !
L’édito de la semaine
Jésus n’était et ne voulait être que témoin. Il ne s’est pas présenté comme un grand maître de doctrine ou de sagesse. Il était tout d’abord porteur d’une parole, qui plus est une parole très simple. Saint Jean la condense en une formule surprenante parce que si osée : « Dieu est amour » (1 Jn 4, 16). Non qu’on ne le sût déjàde quelque manière : un entretien entre Jésus et un scribe éclairé en atteste (voir Marc 12, 28). Mais que cet amour dût aller aussi loin, pour Dieu, que déroger au droit divin pour épouser l’humanité commune jusqu’en sa faiblesse et sa mortalité, personne n’aurait pu se le figurer. Et nombreux encore sont ceux qui refusent de l’accepter. Et pourtant…! Saint Paul (dans Philippiens  2) a mis des mots sur cet étonnement qui aurait pu rester une sidération hébétée et stérile. Et tous les évangélistes disent de même : « oui, nous avons mis par écrit, de notre mieux, le témoignage porté par le Jésus que nous avons connu, par ses paroles et par ses gestes, pour que vous croyez qu’en lui Dieu s’est dit et s’est révélé comme amour ».
Devenu disciple du Seigneur par le baptême, chacun et chacune de nous est aussi devenu témoin de l’amour de Dieu et du Dieu-amour (ce n’est peut-être pas tout àfait la même chose). Qui plus est témoin parce que bénéficiaire d’un amour réel qui jamais ne « veut la mort du pécheur » mais plutôt « sa conversion et sa vie ». A cet égard, la figure de Pierre est si éloquente : il est largement passé àcôté des rendez-vous de l’amour du Christ. A un moment, il a joué un jeu de trahison et de mort laissant son maître et ami abandonné, seul, àson triste sort. Lorsqu’il retrouve Jésus sur les bords du lac, il revient de loin… très loin ! Et pourtant Jésus, sans reproche, va re-susciter cet amour défaillant. Par trois fois, Pierre va témoigner qu’il aime celui àqui il lui est arrivé de faire mortellement défaut. Et la racine du ministère pétrinien est bien là: dans cette expérience de miséricord et d’extrême pauvreté où le cœur humain s’éprouve si fragile et si peu fiable (le « Pauvre cœur des hommes » dont parle un beau livre de Natsume Sôseki)… Fragile certes, faillible certes, mais toujours capable de se reprendre et d’aimer…
Ces jours-ci est publiée l’Exhortation apostolique qui fait suite au synode. A l’occasion, au cÅ“ur de l’année de la miséricorde, on peut se souvenir de ce que disait le Bx pape Paul VI : « L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres (…) ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins †(Evangelii nuntiandi 41). Salutaire rappel ! Comme le Seigneur et àsa suite, tous et chacun selon ce que nous sommes, nous sommes témoins du Dieu amour. Témoins d’une expérience vécue de miséricorde. Non pas maîtres ou théoriciens d’abord. Mais témoins, ni plus, ni moins ! Porteurs d’une parole d’amour, de pardon, de joie !
Gilles-Hervé Masson, dominicain, vicaire