À la lumière de la Correspondance de Pierre de Bérulle nous voyons comment cet homme de grande culture a été mêlé àla reconstruction de l’Église de France et comment Louis XIII lui confie des missions délicates.
Du tome III au tome IV.
Le tome III de la Correspondance s’est achevé sur le mariage d’Henriette de France, sœur de Louis XIII avec Charles I er d’Angleterre par la dispense que Bérulle a négocié avec diplomatie auprès du Pape. Le tome IV couvre la période de mi juin 1625 àfin décembre 1627. Bérulle, aumônier et confesseur de la reine Henriette s’embarque avec toute sa Cour àBoulogne et arrivent àDouvres le 22 juin 1625. Bérulle reste en Angleterre trois mois malgré la peste, avec douze oratoriens dont le Père Harlay de Sancy, ancien diplomate parlant anglais qui le remplacera quand Louis XIII, inquiet de la situation des catholiques anglais lui demande de revenir en France. Pendant ce séjour, Bérulle s’assure de l’exécution des clauses du contrat de mariage.
Au travers de ses lettres nous le voyons organisateur de l’expansion géographique des maisons de l’Oratoire.
Bérulle montre que lorsque d’autres activités l’éloignent de France, il sait déléguer l’exécution de ses décisions. Il se montre très moderne en cette manière d’agir. Au travers de ses lettres nous le voyons organisateur de l’expansion géographique des maisons de l’Oratoire. Il nomme avec discernement les Pères selon leurs compétences. L’infante d’Espagne Isabelle-Eugénie, gouverneur des Flandres lui demande de fonder un Oratoire àLouvain. Le 11 octobre 1626 Bérulle envoie François Bourgoing et quelques oratoriens.
Visiteur des carmélites, il les guide dans leur cheminement spirituel mais aussi dans le gouvernement des âmes. Un exemple une Prieure demande àBérulle si elle peut admettre une fille handicapée… Ce directeur spirituel instaure la confiance, sait apaiser par ses conseils éclairés un grand nombre de dignitaires religieux et politiques.
Un fin négociateur
En 1626, Antonio Santarelli affirme le droit pour le Pape de déposer les rois non seulement pour cause d’hérésie mais aussi àcause de leur insuffisante capacité. Ce livre fait scandale. Le 13 mars, le Parlement dit qu’il sera brûlé. Le 4 avril, La Sorbonne le censure mais certains signataires protestent contre les termes de la censure. Urbain VIII, par le bref du 7 mai confie àBérulle le soin de lutter contre l’esprit de schisme. Il se montre làfin négociateur…
Bérulle est chargé d’une autre affaire plus politique : celle de la Valteline, un petit territoire au nord de l’Italie, appartenant au canton protestant des Grisons. Les catholiques qui résident en Valteline font appel àl’Espagne et la France continue de soutenir les Grisons. Cette situation menace la politique de la France. Richelieu veut éviter que la France soit encerclée par des provinces acquises àl’Espagne. Pour cette raison il tient àce que la Valteline reste dans l’orbite des Grisons, tous protestants qu’ils sont, plutôt que d’être administrée par l’Espagne. Dans ce quatrième tome nous le suivons pas àpas négocier habilement avec discrétion et détermination. Il se soucie d’avoir l’assentiment du Pape sur le traité de Monçon de mars 1626 qui met fin àla guerre de la Valteline.
Le cardinalat, par surprise
Lorsque Bérulle clos avec succès l’affaire Santarelli àla grande satisfaction du Nonce, le cardinal Bentivoglio souligne au Pape, le mérite et le rôle décisif de Bérulle en cette affaire. Tout cela aboutit au Bref d’Urbain VIII du 23 février 1627 en ces termes : « Entre les grands noms dont la France est fière, brille le nom de Bérulle, dont le génie passe pour un astre salutaire destiné àéclairer les rois et àsauver les peuples ». Les évènements se précipitent. Le cardinal Spada, ancien Nonce (1623-1627) àParis de retour àRome se souvient combien Bérulle l’a aidé dans des négociations difficiles et plaide chaleureusement auprès du Pape en faveur de son cardinalat. Lors du Consistoire du 30 août 1627, le Pape Urbain VIII crée six cardinaux dont Bérulle. Ce dernier qui n’a jamais recherché les honneurs se montre étonné par cette promotion qu’il apprend onze jours plus tard. Au Pape, il se soumet par obéissance.
[Les courriers de félicitations que lui adressent les Grands du Royaume] esquissent la personnalité de l’homme, de son œuvre, de sa richesse spirituelle et de ce qu’attendent de lui ses contemporains.
Bérulle désire instamment que cette promotion ne change en rien ses relations avec ses frères de l’Oratoire. Il charge le Père Gibieuf de faire connaître ce désir aux différentes communautés. Il demande au Père Bertin, Supérieur de Saint-Louis des Français, d’insister auprès d’Urbain VIII pour qu’il lui accorde de conserver ses titres àL’Oratoire et au Carmel. Le Pape agrée. Louis XIII en chemin vers La Rochelle n’est pas en mesure de donner le « bonnet de cardinal ». Aussi le 26 octobre 1627, la Reine-Mère Marie de Médicis lui remet avec tout le cérémonial.
Bérulle reçoit de très nombreuses lettres de « compliments » qui témoignent de ses très nombreux contacts personnels avec les Grands. Ceux-ci esquissent la personnalité de l’homme, de son œuvre, de sa richesse spirituelle et de ce qu’attendent de lui ses contemporains.
Blandine Delahaye, historienne, spécialiste des mentalités religieuses,
a dirigé la publication de ce volume