À l’occasion de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, nous cherchons àprogresser dans notre unité. Pour cela, il n’est pas mauvais de commencer par chercher quel serait le problème.
Angelus Silesius (1624-1677) peut nous y aider. Il fait partie de cette tradition de fidèles àla fois mystiques et théologiens, et qui sont ainsi d’une grande élévation et d’une grande humilité. Il nous donne dans «
Le voyageur chérubinique » des prédications qui tiennent en quelques mots, en voici trois sur la question de la diversité :
Hélas, nous autres hommes, ne savons pas, comme les oiseaux des forêts, réunir dans la joie les timbres de nos voix diverses. (Livre I, chant 265).
Je sais que le rossignol ne trouve rien àredire àl’intonation du coucou, Mais toi, si je ne chante pas comme toi, tu te moques de la mienne. (Livre I, chant 266)
Dieu est aussi attentif aux croassements qu’aux trilles que Lui adresse une alouette. (Livre I, chant 269)
Angelus Silesius  nous montre que notre diversité est une création de Dieu lui-même, qu’elle est une richesse pourvu que l’on réunisse notre diversité dans la joie, au lieu de se moquer de l’autre, ce qui est déjàle tuer un peu. Dieu est attaché àchacune de nos expressions singulières, ànos formes de culte, de prières, de théologies et de démarches éthiques. La joie qu’inspire l’amour du Christ peut les accorder, sa prière nous en rend capables. Nous pouvons préférer le chant du rossignol, mais le corbeau préfère un beau croassement, et Dieu aime l’un comme l’autre et adore quand les deux font concert avec celui de l’alouette.
Qu’est-ce qui nous empêche d’avoir ce regard de bienveillance sur la foi de l’autre ? C’est que nous adorons penser qu’un reflet sur le noir de notre plumage est la lumière même du soleil, que notre chant est la pure voix de Dieu lui-même. Ce n’est pas entièrement faux puisque notre ramage et notre plumage répondent effectivement aux dons de Dieu, selon notre propre sensibilité. Mais quand nous confondons notre voix avec la Parole de Dieu, quand nous confondons notre pensée sur Dieu avec Dieu lui-même, cela bloque toute possibilité de vivre de concert avec les autres, et cela nous ôte toute envie d’écouter ce que Dieu cherche ànous dire puisque nous pensons l’incarner déjà. S’inspirant du Christ, le mystique nous invite àl’humilité de l’oiseau, et àcelle de l’enfant :
Homme, si tu ne deviens enfant, jamais tu n’entreras làoù sont les enfants de Dieu, la porte est vraiment trop petite. (Livre I, chant 153)
Marc Pernot, pasteur àl’Oratoire du Louvre