En Avent du pont neuf
La trentaine de marcheurs avance d’un bon pas. C’est le printemps. Après avoir contourné un gros rocher, le groupe poursuit le chemin qui soudain croise un très large torrent… Mais, surprise, le pont de bois a disparu… Les crues l’ont emporté… Comment passer sur l’autre rive ? Comment continuer malgré cette rupture ? D’abord perplexe, on se concerte et peu à peu on s’organise. Les plus anciens conseillent comment assembler les branches et les troncs amenés par les plus jeunes.
Tandis qu’approche le tournant de l’année nouvelle et que deux semaines d’Avent nous en séparent, nous sommes un peu dans la situation de ces marcheurs ; et pas seulement nous. Bien des familles se demandent comment continuer le chemin malgré les ruptures… Comme le rappelait le père Antoine Adam, nous vivons une série de mutations altérant nos modes de vie en société tout en désirant partager une vision de l’avenir avec d’autres. Le dialogue est un enjeu essentiel pour aller de l’avant ensemble. Et en ce temps où se préparent les invitations de fin d’année, pourquoi ne pas penser d’abord à nos proches et évoquer la fraternité et le dialogue entre générations ?
Dans l’exhortation apostolique « Amoris laetitia » qui suit les deux synodes sur la famille, François souligne l’importance du rôle des personnes âgées : « [Elles] aident à percevoir « la continuité des générations » avec « le charisme de servir de pont ».
Bien des fois, ce sont les grands-parents qui assurent la transmission des grandes valeurs à leurs petits-enfants, […] Cette civilisation ira de l’avant si elle sait respecter […] la sagesse des personnes âgées. […] Les récits des personnes âgées font beaucoup de bien aux enfants et aux jeunes, car ils les relient à l’histoire vécue aussi bien de la famille que du quartier et du pays. »
Saint Augustin est un « Père de l’Eglise », on peut même dire dans une certaine mesure, « un Grand-père » pour nous. Dans ses écrits, notamment « Les confessions », il a cherché à transmettre comment son désir d’amitié l’a conduit et converti à la fraternité. Il est passé de l’amitié rêvée à la fraternité reçue. La Bible est pour lui le creuset où l’alchimie de Dieu y convertit le cœur de l’homme. C’est à l’écoute attentive de ces récits de vie de générations d’hommes et de femmes qui nous ont précédés que nous sommes encore invités pour deux semaines. Et parce que nous vivons cette écoute en Église, en peuple désireux de l’Esprit-Saint, nous pouvons espérer un pont. Il nous serait si bon d’y passer ensemble, avec les hommes de bonne volonté, vers l’autre rive afin de poursuivre le chemin de l’homme, un chemin pour tout homme comme en famille.
Thierry Cocquerez, Augustin de l’Assomption,
Saint Bonaventure (Lyon)