Journée mondiale du Migrant et du Réfugié
Par Bernard Devert, prêtre du diocèse de Lyon et fondateur d’Habitat et Humanisme.
 Dimanche 17 janvier, l’Église invite les Communautés chrétiennes, lors de la célébration de la journée mondiale du Migrant et du Réfugié, às’interroger sur ses engagements. Les réfugiés et migrants sont des personnes qui quittent leur sol en raison de violence : violence politique pour les réfugiés, tels ceux de Syrie, d’Irak qui doivent fuir pour rester en vie ; violence économique pour les migrants qui, pour n’avoir rien ou si peu, recherchent désespérément des conditions de vie plus humaines. Comment le leur reprocher. Le pape François définit l’Église comme ‘la maison commune’ qui se doit d’accueillir par priorité ceux qui se trouvent menacés dans leur existence. Làoù l’Église ne protège pas, elle faillit àsa mission de mère.
Qui peut oublier la question de Dieu : qu’as-tu fait de ton frère ? Cette journée du migrant et du réfugié est une invitation àfaire nôtre la prière de Salomon àl’Éternel : donne-moi un cœur intelligent. L’intelligence donne le sens de la mesure, de la hiérarchie des urgences et des priorités. L’Évangile n’est pas un simple enseignement ; il est un appel àvivre autrement pour que l’autre, celui qui n’a rien, trouve enfin sa place. Dieu ne la revendique pas pour lui ; celle donnée au frère est la sienne. Le livre de l’humanité fait entendre la question de Caïn : suis-je le gardien de mon frère ? Si, ô tristesse, nous devions répondre non, c’est que ‘la maison commune’ ne nous concernerait pas. Mais alors quelle est notre appartenance àl’Église que François définit aussi comme un ‘hôpital de campagne’, le lieu du soin des blessés de la vie. L’Église a la responsabilité, avec tous les hommes de bonne volonté, de l’accueil de l’immigré, de la veuve, de l’orphelin. Il ne s’agit pas d’une option, mais d’un impératif àêtre làoù des hommes ont mal. Quand un frère est en danger, Dieu lui-même est menacé.
D’aucuns rappelleront que nous ne pouvons pas porter toute la misère du monde. Certes, mais nous avons àprendre notre part, toute notre part, et c’est àcette participation que nous devons réfléchir. Quand des familles, venues d’Europe Centrale, vivent en France depuis des années dans des conditions dramatiques jusqu’àsusciter une réelle indignation, mais sans lendemain, quelle Parole accueillonsnous pour la laisser sans suite ? Seules, les mobilisations transforment les relations.
N’oublions pas qu’au cours de l’année 2015 plus de 6000 personnes ont trouvé la mort dans la traversée d’une mer devenue un « cimetière marin ».
Quand 16 familles roms sont conduites vers une commune qui crie sa réprobation au nom d’un risque supposé – alors que les conditions sont réunies pour donner une chance àdes enfants qui n’ont jamais été scolarisés et qui le seront sur le site même de leur village d’insertion pour ne point aggraver les tensions – quelle place est faite àl’autre si l’indifférence construit une frontière àl’égard de ceux qui ont pour tort d’être des pauvres discriminés ? Le disciple du Christ est un résistant. Souvenons-nous de la grande prière de Jésus, Père, ils ne sont pas du monde comme je ne suis pas du monde, mais je ne les retire pas du monde. Le chrétien, sauvé par l’Amour, habite cette liberté intérieure lui permettant de se risquer auprès de ceux poursuivis par la haine ou par une économie qui en fait des esclaves. Les réfugiés ou migrants dérangent, mais au regard des dangers qu’ils courent, nous sommes des abrités.
N’oublions pas qu’au cours de l’année 2015 plus de 6000 personnes ont trouvé la mort dans la traversée d’une mer devenue un « cimetière marin ». La crise sans précédent des migrants, traduit un monde brutal au sein duquel l’Amour n’est pas aimé. En cette année de la miséricorde, le thème de la journée voulu par le pape revêt une singulière acuité et actualité : les migrants et les réfugiés nous interrogent. Oui, comment cette tragédie nous bouscule-t-elle, àcommencer par nos idées reçues sur ces frères d’infortune ? Que d’aversions àsurmonter et d’imaginations àfaire naître.
Avec les Sœurs du monastère des Orantes de l’Assomption àBonnelles, Habitat et Humanisme a accueilli 78 réfugiés d’Irak et de Syrie puis 30 venus d’Afghanistan. Les inquiétudes sont progressivement tombées, les cœurs se sont ouverts et une « charité inventive » s’est mise en œuvre laissant dans cette commune une belle trace de fraternité. Donnons-nous, làoù nous sommes, làoù nous en sommes, la chance de la vivre, la joie de la partager.
Bernard Devert, prêtre du diocèse de Lyon et fondateur d’Habitat et Humanisme