Homélie du père Michel Quesnel
25 et 26 janvier 2020 – 3ème dimanche ordinaire
Basilique Saint-Bonaventure, Lyon
« Pays de Zabulon, pays de Nephtali… » Ces noms ne nous disent sans doute pas grand-chose… Mais cette citation d’Isaïe par Matthieu a une grande importance, lorsque l’évangéliste raconte les débuts de la mission de Jésus.
Zabulon et Nephtali sont deux tribus d’Israël, formées par les descendants de deux fils de Jacob. Zabulon était fils de Jacob et de Léa, sœur aînée de Rachel, une femme que Jacob avait épousée parce que Laban, son père, avait exigé qu’il l’épouse d’abord, avant de pouvoir ensuite se marier avec Rachel, sa jeune sœur, que Jacob aimait tendrement. Nephtali était fils de Jacob et de Bilha, une servante de Rachel. Ni l’un ni l’autre de ces messieurs ne faisait partie des enfants préférés de Jacob. Les deux tribus auxquelles ils avaient donné leur nom étaient des tribus sans aucun prestige. C’est cohérent avec ce qu’Isaïe en écrit : ce n’est jamais que le « pays de l’ombre et de la mort. »
Les enfants préférés de Jacob, ce sont ceux qu’il avait eus avec Rachel, àsavoir Joseph et Benjamin.
Quant àJésus, il appartenait par son père adoptif àla tribu de Juda, dont la ville principale était Jérusalem. Juda n’avait pour mère que Léa, lui aussi, mais la tribu issue de lui était prestigieuse, car elle était celle du roi David. On aurait pu penser que, pour commencer sa mission, Jésus aille prêcher et guérir àJérusalem. Mais non. Il choisit des territoires dans prestige, dans la province qu’on appelait la « Galilée des nations ». Cette appellation était plutôt méprisante.
On aurait également pu penser que Jésus se serait donné comme premiers compagnons des gens ayant un certain savoir : des scribes, des pharisiens, des responsables de synagogues…
Main non ! En cohérence avec le choix du territoire qu’il avait fait, il choisit quatre pêcheurs de Capharnaüm, une petite ville portuaire, sur le lac de Tibériade. Pour commencer sa mission, Jésus n’a pas pris les grands moyens.
Et la suite confirmera ses choix. L’appel qui est raconté après celui des quatre premiers disciples, par Matthieu, c’est celui de Matthieu, un publicain, un homme sans doute peu honnête et collaborateur de l’occupant romain. Et il fréquentera des publicains et des pécheurs.
Est-ce que saint Paul a fait autrement lorsqu’il est arrivé àCorinthe ? Pas vraiment. Le passage de la 1ère épître aux Corinthiens lu aujourd’hui rapporte que l’Apôtre a voulu éviter toute dépendance par rapport àlui et toute emprise : il prêchait, mais il ne baptisait pas. Il laissait d’autres personnes administrer les baptêmes.
Et le message qu’il proclamait n’avait pas d’éclat. Il avait pour objet un homme qui était mort crucifié, un supplice infâmant. Ce n’est pas le moyen le meilleur pour se faire écouter.
Autant Jésus que saint Paul utilise des méthodes mal adaptées pour se faire un nom et pour avoir du succès. C’est que l’un et l’autre s’effacent devant ce qu’ils proclament : Jésus proclame le Royaume des cieux, et la bonne nouvelle du Royaume. Paul proclame la croix du Christ. Et il n’a pas voulu utiliser, comme il l’écrit plus loin, « le prestige du langage ou de la sagesse » : « Parmi vous, je n’ai rien voulu connaître d’autre que Jésus Christ, ce Messie crucifié » (1 Co 2, 1-2).
Pourquoi cela, de la part de Jésus et de Paul ? Pour laisser la place àl’Esprit Saint, tout simplement, si l’on ose dire.
Ces deux exemples, celui de Jésus et celui de Paul, peuvent nous aider àne pas trop craindre notre responsabilité d’avoir àannoncer l’Évangile. Nous ne sommes pas bien formés ? Nous ne savons pas comment témoigner ? Cela ne doit pas nous conduire àchercher des excuses. Nous pouvons nous prêter àl’Esprit Saint.
André, Pierre, Jacques et Jean n’étaient pas plus armés que nous. Ils ont simplement accepté de répondre positivement àun appel, sans du tout savoir où cette réponse allait les mener. Et surtout, ils ont accepté d’abandonner tout ce qui risquait de les tirer en arrière : leurs filets, pour André et Pierre ; leur barque et leur père, pour Jacques et Jean. En langage militaire, on dirait qu’ils ont brûlé leurs vaisseaux. Impossible de reculer.
Cette semaine, le 22 janvier, nous avons fêté saint Vincent de Saragosse, saint patron des vignerons, martyrisé en 304 ou 305, sous Dioclétien. Dans une homélie qu’il prononça àl’occasion de la fête de saint Vincent, saint Augustin disait : « Lorsque nous disons sagement de bonnes choses, notre sagesse vient de Dieu. »
Prêtons-nous donc àl’Esprit Saint pour, ànotre tour, dire des bonnes choses venant de Dieu… Nous n’avons peut-être pas beaucoup de moyens humains, mais la sagesse qui vient de Dieu peut témoigner par notre bouche et par nos actions.
Michel Quesnel, prêtre de l’Oratoire.