« Jean-Jacques Olier (1608-1657) », par Bernard Pitaud, p.s.s.
Préface de Ronald D. Witherup, Supérieur général de la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice.
C’est un grand honneur pour le Supérieur général de la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice que de rédiger la préface de cette nouvelle biographie de notre fondateur, Jean-Jacques Olier. Le P. Bernard Pitaud est un des plus grands spécialistes actuels de notre Société sur Jean-Jacques Olier et sur l’Ecole française de spiritualité. Il a déjàlonguement écrit sur plusieurs aspects de la pensée du P. Olier, particulièrement deux petits livres qui donnent a un large public accès a la vie et a la pensée de ce dernier : Petite vie de Jean-Jacques Olier (Desclée de Brouwer, 1996), et Prier 15 jours avec Jean-Jacques Olier (Nouvelle Cite, 2007). Il était des plus qualifies pour écrire cette nouvelle et plus importante biographie de cette célèbre figure de l’Ecole française de spiritualitéé au XVIIe siècle.
On peut naturellement se poser des questions : pourquoi une autre biograÂÂphie de cette figure si éloignée de nous dans le temps ? Que présente-t-elle de particulier par rapport a celles qui l’ont précédée? On peut apporter a ces questions plusieurs réponses qui démontrent en même temps son opportunité et son importance.
Tout d’abord, et c’est le plus décisif, les précédentes biographies du P. Olier, tout en présentant beaucoup d’intérêt et beaucoup d’utilité pour mettre en valeur les points essentiels de la vie d’Olier, penchaient vers l’hagiographie. Par contraste, le présent travail est la première biographie critique, scientiÂÂfique du P. Olier. L’auteur a cherché a maintenir le plus d’objectivité qu’il est humainement possible tout en montrant néanmoins son admiration pour son personnage. Ensuite, le P. Pitaud, par comparaison avec ses prédécesseurs, auteurs de biographies d’Olier, a eu aussi l’avantage de collaborer avec deux autres experts sulpiciens a la première édition critique de toute la corresponÂÂdance du P. Olier qui atteint près de mille pages.  Cette nouvelle et volumineuse édition de la correspondance d’Olier a non seulement éclairé le déroulement de nombreux événements de la vie d’Olier, mais elle a également permis de distinguer les lettres authentiques des «fausses lettres », c’est-a-dire des petits textes spirituels que les successeurs d’Olier ont présentés sous forme de lettres. Le travail sur ce dossier décisif a ouvert au P. Pitaud une fenêtre jusqu’ici inaccessible sur la vie d’Olier et sur son enseignement.
En.fin, avec sa large compétence en matière de spiritualité et d’histoire du XVIe siècle, le Pitaud a tenté de situer Olier dans son contexte et y a réussi de façon beaucoup plus profonde que les précédentes biographies n’y étaient parvenues. Un exemple de l’importance de cette approche : le fait que le P. Pitaud ait pris le temps de parcourir l’ensemble des Mémoires de Marie Rousseau, cette grande mystique du XVIIe siècle, avec laquelle Jean-Jacques Olier a entretenu une relation étroite qui, malheureusement, a été quelquefois mal interprétée. Le P. Pitaud a opportunément évite une interprétation par trop psychologique de cette relation et l’a située avec justesse dans le contexte spirituel de l’époque. En cohérence avec beaucoup de ses contemporains, comme François de Sales, Vincent de Paul, Jean Eudes et d’autres, Olier a travaille en proximité avec des femmes àla mise en oeuvre de ses orientations. Cet aspect de sa vie confère a cette biographie une tonalité très actuelle, a notre époque d’après Vatican II, ou la collaboration entre femmes et hommes est devenue une pratique évidente dans le ministère paroissial. En définitive, ce que le P. Pitaud offre dans ces pages, c’est pratiquement le «journal d’une âme ». Ce qui veut dire que cette biographie entraîne dans l’intense déploiement de la vie spirituelle du P. Olier, dans la profondeur de sa joie, dans sa caÂÂpacité a surmonter les obstacles avec la grâce de Dieu et son constant désir de croître en sainteté. Nous voyons un homme dont les nombreuses limites et faiblesses personnelles sont intégrées dans un projet spirituel qui l’a aide a dépasser les obstacles et qui invite les autres a partager le dynamisme apostolique de son ministère.
En plus de ces avantages, je voudrais souligner aussi que la biographie d’Olier écrite par le P. Pitaud est très accessible. Il écrit de manière claire et simple, rendant ainsi l’ouvrage susceptible d’intéresser un plus large public, en dépit de sa taille et de son appareil technique. Pour les études sur l’Ecole française au XVII siècle au pour les études proprement olériennes, c’est une riche ressource àexploiter. Pour le lecteur dont l’intérêt s’attache d’abord a Olier comme figure spirituelle qui contribua a accomplir la vision du concile de Trente pour promouvoir une solide formation initiale et permanente des prêtres, ce livre ouvrira un beau chemin pour le comprendre dans son propre contexte et pour mieux apprécier sa profonde spiritualité.
Bien que ce ne soit pas absolument nécessaire, il y a une autre raison pour louer cette biographie. A travers l’histoire, quasiment tous ceux qui ont renÂÂcontré les écrits publies d’Olier ont noté les accents profondément spirituels de son enseignement. Saint Vincent de Paul, qui fut pendant un temps son directeur spirituel et qui resta un ami très proche, fut présent a la mort d ‘Olier. Il témoigna en faveur de sa sainteté, quand deux mois seulement avant sa propre mort, il pria pour recevoir la grâce de Dieu en abondance « par l’intercession de M. Olier » qu ‘il croyait de toute évidence être au ciel. Bien qu’Olier n’ait jamais été officiellement canonisé, il n’ya guère de doute sur la qualité spirituelle de sa recherche de la sainteté. Comme tant d’autres avant et après lui, il a souffert de limites psychiques et spirituelles variées, toutefois en définitive, comptant sur la grâce de Dieu, il a dépassé tous ces défis et a réussi àmodifier le paysage du XVII siècle catholique.
Il ya de multiples raisons de faire l’éloge de M. Olier, en particulier le leitmotiv qu’il laissa a la « petite compagnie » qu’il fonda et qui lui fournit sa véritable orientation: Vivere summo Deo in Christo Jesu (Vivre souveÂÂrainement pour Dieu en Jesus-Christ). La vie entière d’Olier a témoigné de cet inébranlable projet théologique et christologique dont il crut qu’il lui était tracé par l’Esprit-Saint. Cette trinitaire et apostolique vision qu’Olier légua
a ses compagnons s’est maintenue jusqu’aujourd’hui. De plus, sa constante dévotion a la Vierge Marie et l’héritage qu’il a laisse dans la célèbre prière :
« Jesus vivant en Marie » – dont saint Jean-Paul II fit une fois l’éloge comme d’ un parfait résumé de la mariologie – continue d’inspirer les nouvelles générations. Pour ces motifs et pour d’autres encore, nous avons raison de rendre grâces pour la persévérance d’Olier et pour le fait qu’il a reussi a fonder une petite communauté dont I’influence sur la formation des prêtres continue au vingt et unième siècle.
En mon propre nom et au nom de tous mes confrères sulpiciens, je remercie le P. Pitaud pour cette excellente contribution a la connaissance de notre « peÂÂtite compagnie » et de son histoire. Ce travail fournit une nouvelle énergie pour admirer nos racines et l’inlassable mise en oeuvre du projet de notre fonÂÂdateur, Jean-Jacques Olier, et pour désirer toujours aller de l’avant pour promouvoir sa vision apostolique dans nos efforts missionnaires pour proclamer l’Évangile de Jésus-Christ.
Ronald D. WITHERUP, p.s.s., Supérieur général de la Compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice.
Paris, 15 mai 2016, Solennite de la Pentecote.
Bernard Pitaud, historien de la spiritualité, ancien provincial des sulpiciens, est un des spécialistes actuels d’Olier (sur lequel il a publié plusieurs ouvrages au Cerf et àNouvelle Cité). Cet ouvrage monumental [Jean-Jacques Olier (1608-1657)] est l’aboutissement de plus de trente ans de recherches.