« Jean, le seul, est revenu au pied de la croix, où il nous a tous représentés » 

On n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, (Matt. 5, 15) mais on la met sur le chandelier, et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Ainsi de Jésus, resplendissant de lumière au sommet de la montagne, irradiant sur toutes les générations de disciples. Certes, les témoins de cette Théophanie n’étaient qu’au nombre de trois, choisis sur le volet, mais bien au-delà d’eux, nous étions tous là, à travers les siècles, ayant droit à cette préfiguration de la Résurrection. Sommes-nous pour autant persuadés que ce dernier événement a bien eu lieu ? Notre foi est-elle tactile, comme celle de Thomas ? Les trois apôtres qui ont vu ce phénomène sur le Thabor, que sont-ils devenus au soir de l’épreuve ? Jacques a fui avec les onze, (le douzième avait vendu Jésus), Pierre s’est risqué quand même dans la cour du palais du grand-prêtre, et nous savons comment ça s’est terminé ; Jean, le seul, est revenu au pied de la croix, où il nous a tous représentés. Là, le groupe des disciples, grâce à lui – et nous aussi à travers eux –, ont trouvé leur compte grâce à cette parole : Jésus voyant sa mère et, se tenant près d’elle, le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. » Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » (Jn 19, 26-27)

Je regarde avec étonnement ces trois apôtres que Jésus a choisi parmi les douze. Il y eut la sélection des 72, puis celle des 12, et puis le choix a continué de s’affiner comme dans un alambic, et voici qu’ils restent à 3 pour assister à la transfiguration du Maître. Ces trois-là, Jésus les choisira aussi pour assister au retour à la vie (autre signe ?) de la jeune enfant de Jaïre « Talitha Koum ! » ; il les choisira également (contraste déchirant !) le soir ténébreux de son agonie au jardin des Oliviers…

 

Pourquoi cette préférence ? Sans doute que les exégètes le savent ; mais nous ?… On peut toutefois remarquer que nous avons là trois pêcheurs arrachés à leur barque, des hommes de la mer, des hommes de l’eau, mais certainement aussi des hommes de feu. Pierre possède un tempérament fougueux, et les deux jeunes gens, surnommés Boanergès, fils du tonnerre, n’ont pas hérité de ce surnom pour rien. Trois hommes de feu qui vont assister à l’embrasement de Jésus.

Pour leur offrir une préfiguration de la Résurrection, Jésus s’entoure de deux personnages représentant un symbole imparable : rien n’eut été possible sans la gestation lente et subreptice du Salut à travers la Loi et les Prophètes, et cela, au cours des siècles.

Pierre, impétueux, peu perspicace, veut dissocier ce qui ne peut l’être : « Dressons trois tentes ! » Voilà qu’il veut séparer ce que Dieu a uni dans le but de réaliser le Salut de l’humanité ! N’a-t-il donc pas pris la mesure qu’il est en présence d’une nouvelle Tente de la Rencontre abritant le signe d’une Nouvelle Alliance ? Sur elle, la nuée se dépose et voilà que résonne la voix du Père : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! » Moïse et Elie sont là pour l’affirmer et le confirmer, puis, ils s’effacent. Soudain, les trois apôtres regardant tout autour, ne virent plus que Jésus seul avec eux.

Jean-Marie Martin, prêtre de l’Oratoire à Paris

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Méditation biblique

Illustration : La Trasnfiguration, Giovanni Bellini, Musée de Capodimonte, Naples, vers 1480