3 questions au père Renaud Laby. Chargé d’enseignement à la Faculté de théologie de l’Institut catholique de Paris (ICP), il est doctorant en sociologie du catholicisme et en théologie de la communication, et travaille sur les questions relatives à la présence catholique sur le web. Il co-anime notamment la formation proposée par l’ISFEC AFAREC à destination des enseignants de l’enseignement privé, Les nouveaux défis éducatifs à l’ère du numérique.
Les jeunes paraissent avoir un rapport à l’écrit modifié par les nouveaux modes de communication…
Il paraît certain, comme l’ont montré Régis Debray et Raffaele Simone, qu’avec l’outil numérique, on voit la réémergence chez les jeunes, d’une intelligence spontanée liée à l’oralité, qui s’était effacée dans notre société de l’écrit. Les jeunes aujourd’hui ne s’emparent plus de l’écrit. Les réseaux sociaux se développent sur l’image, avec photographies et vidéos, comme c’est le cas pour Instagram et TikTok, et non plus sur le texte. Ce changement de comportement et cet autre type d’intelligence, induisent forcément un autre rapport à la rationalité et à la raison.
Les jeunes ont-ils conscience des enjeux économiques ?
Non, le danger, c’est qu’ils n’ont aucune idée du modèle économique d’Internet et des réseaux sociaux, des systèmes de captation de données, qui génèrent des millions de dollars. Par ailleurs, ils n’ont pas forcément conscience que les réseaux sociaux les enferment dans des relations de similarité. Le principe de Facebook, c’est celui de l’homophilie, qui nous pousse à nous associer à des personnes qui nous ressemblent pour se faire ainsi aimer de ses pairs. En affinité avec ses interlocuteurs, l’utilisateur passera plus de temps connecté au réseau, y laissera plus de données, qui génèreront plus de profit pour les géants américains du web, car il faut bien avoir à l’esprit que 90 % des données collectées sont propriétés des entreprises américaines.
Comment former les jeunes à ces questions ?
L’école joue un rôle important de sensibilisation. C’est pour cela que je trouve très positif que les enfants apprennent à coder en classe pour comprendre comment les outils numériques fonctionnent. Ils doivent dès que possible être conscients de ce qui se trouve derrière les réseaux, espaces inédits qui ne sont ni vraiment un espace public, ni vraiment un espace privé. Par ailleurs, on l’a vu lors du premier confinement qui a révélé le besoin des jeunes d’être présents en classe, les alliances humaines restent pour eux une nécessité, dans leur forme la moins médiée possible.