Jeunes et solidaires !
 En cette période de crise sanitaire, on sait que la vie des jeunes, qu’ils soient lycéens, étudiants ou jeunes professionnels, est très bouleversée. Trois d’entre eux, logés par l’Oratoire àla maison Philippe Néri, rue de Vaugirard àParis, témoignent de leurs engagements habituels, des conséquences de la crise sur leur vie professionnelle ou étudiante, mais aussi des prises de conscience ou questionnements qu’elle suscite.
Sophie Scalabrino, éducatrice spécialisée, 23 ans
Sophie, éducatrice spécialisée, exerce comme éducatrice de rue dans un club de prévention spécialisée dans le 20e arrondissement de Paris.
« Je travaille depuis un an et demi avec des jeunes qui ont entre 11 et 21 ans, qui sont déscolarisés et qui passent donc beaucoup de temps dans la rue. Mon travail consiste àaller àleur rencontre et àfaire de la prévention, notamment pour éviter qu’ils ne tombent dans la drogue ».
Ce qui a changé avec la crise sanitaire ?
« Le nombre de personnes àla rue a considérablement augmenté. La crise a accentué encore l’écart entre les personnes en situation précaire et les autres. Pour les jeunes que nous essayons de suivre, le décrochage scolaire est profond, il a démarré au moment du premier confinement et s’est accentué, en prenant la forme d’une déscolarisation. C’est le résultat d’un découragement face àleur avenir professionnel. Ils pensent qu’ils ne trouveront pas de travail, alors, pourquoi étudier ? Par ailleurs, on sait que les conditions d’apprentissage pour les élèves qui doivent suivre les cours et travailler de la maison sont difficiles, dans ce quartier où les familles vivent souvent dans de petits logements. »
Comment le vivez-vous ?
« Mon contrat court jusqu’en juin. Je ne souhaite pas le renouveler. Au moment du premier confinement, j’ai commencé àréfléchir, afin de remettre au premier plan ce qui était important pour moi et le confinement a vraiment accéléré ma prise de conscience de l’urgence écologique. Je ne sais pas encore ce que je vais faire après juin, mais j’aimerais visiter des lieux alternatifs qui expérimentent une vie en collectivité, des habitats partagés avec un projet écologique. »
Fleur Le Roux, étudiante en psychologie, 27 ans
Après une classe préparatoire scientifique et des études de mathématiques, Fleur a repris des études àl’Ecole de psychologues praticiens, rattachée àl’Institut Catholique de Paris, où elle est en 2e année. Elle est bénévole àCERISE, assurant, avec trois autres étudiants et Marie, salariée de CERISE, un cours de soutien scolaire aux lycéens le lundi soir.
« J’avais déjàfait un peu d’accompagnement scolaire, et j’aime le principe de donner aux élèves des clés pour comprendre. Quand l’élève sent qu’il a compris et que ça l’intéresse, c’est génial ! Ils ne sont d’ailleurs pas forcément en difficulté, mais peuvent avoir un problème de confiance en eux. Ce sont alors plutôt des inhibitions àdébloquer, car ils ont les capacités pour y arriver, il faut juste qu’ils osent, que la peur de l’erreur cesse de les bloquer. Il faut modifier ces schémas de pensée qui les limitent. J’ai appris àavoir confiance dans les capacités des autres lorsque j’étais àl’Arche, pendant deux ans, comme volontaire. J’ai découvert les ressources incroyables des personnes qui ont un handicap mental et le fait que lorsque les choses sont clairement expliquées, avec les bons mots, on est surpris par leurs capacités. C’est aussi cette expérience qui m’a permis d’affiner mon projet de reprise d’études et de me diriger vers la psychologie. »
Ce qui a changé avec la crise sanitaire ?
« Malheureusement, le couvre-feu a mis fin aux séances du lundi soir. En revanche, je continue de donner des cours en visio-conférence pour une lycéenne en seconde, en physique/chimie. Et pour les cours de mon école, j’ai une semaine par mois en présentiel, en promotion entière. Je trouve que c’est un meilleur système que d’avoir une moitié de promotion en cours pendant que l’autre suit àdistance, car les cours dans ces conditions sont un peu pénalisants pour ceux qui sont àdistance. »
Comment le vivez-vous ?
« Concernant mes cours, le distanciel a bouleversé ma façon d’apprendre, car j’interagissais beaucoup avec mes professeurs, ce qui inscrivait facilement le cours dans ma mémoire. Le distanciel me demande beaucoup plus de temps pour réussir àle retenir. C’est un travail plus difficile et plus solitaire. Pour le soutien scolaire àCERISE, bien sûr, j’ai hâte que cela puisse reprendre. »
Rébecca Sanchez, étudiante en histoire/science politique, 19 ans
Rébecca est étudiante en première année d’histoire/science politique àl’Institut Catholique de Paris, ses parents vivent au Ghana.
« Je fais partie de deux associations de l’Institut Catholique. L’association Solid’Ere est une association humanitaire. Les étudiants organisent des maraudes dans le quartier et donnent des cours de soutien scolaire, il y a aussi des collectes de denrées alimentaires. L’association Imany promeut les échanges interculturels avec les pays d’Afrique et du Moyen Orient, grâce àdes lectures, des défilés de mode, des soirées musicales… »
 Ce qui a changé avec la crise sanitaire ?
« Les maraudes de Solid’Ere se sont arrêtées en novembre mais tous les jeudis soirs, avec Clara, une amie de la maison Philippe Néri, nous en faisons dans le quartier, car nous recevons des dons des boulangeries. D’autres étudiants du foyer nous accompagnent parfois.
Comment le vivez-vous ?
« Le fait d’avoir cours seulement une semaine sur deux en présentiel n’est pas forcément l’idéal, mais heureusement, il y a une vie très dynamique et chaleureuse au foyer, nous nous retrouvons dans les salles d’étude pour ceux qui sont en distanciel, afin de travailler ensemble. Je pense surtout aux étudiants qui n’ont pas cette chance et qui sont seuls dans leur logement. »