Joseph MOINGT : « L’Esprit du christianisme »
Article de Bernard Canuet, prêtre de l’Oratoire àJuan-les-Pins
Il semble que ce dernier ouvrage du Père Moingt ait été sa dernière contribution àla recherche théologique. Joseph Moingt s’est éteint à102 ans il y a quelques mois.
Certes ce dernier livre n’est pas facile àlire ! D’abord parce que, souvent, les phrases ont une telle longueur qu’il faut parfois en interrompre la lecture pour recommencer au début de ladite phrase ! Est-ce une réalité sur laquelle de nombreux lecteurs ont dû se casser les dents ou bien est-ce la conséquence personnelle d’une mémoire émoussée par un âge plus que canonique ?
Conscient de prendre une nouvelle fois la plume en une période où l’Eglise vit des moments difficiles, le propos du Père Moingt est bien de revenir pas àpas au message initial délivré par le témoignage, les paroles et les gestes prophétiques de Jésus lui-même.
La première chose que j’ai envie de souligner de ce que j’ai pu comprendre, c’est l’insistance (qu’on retrouve partout tout au long de cet ouvrage) : affirmer la différence de nature du christianisme avec toutes les autres religions. Le christianisme est une bonne nouvelle. Il n’a pas planté ses racines sur du sacré ou sur une loi. Il est la conséquence d’une certaine idée de Dieu induisant en l’homme une irrésistible envie de vivre « en plénitude ». D’où le titre de l’ouvrage : l’esprit du christianisme. Au-delàde ce qu’on appelle « religion » avec sa traduction institutionnelle, il y a le souffle divin, le souffle régénérateur, le souffle « élévateur » d’un Dieu qui fait alliance, et qui promet la vie en plénitude. Mais àquel prix et par quel chemin ?
Le principe fondamental du christianisme, c’est le primat de la conscience ; l’appel de l’Évangile est un appel àaimer. La loi éthique se fonde sur cet appel et non sur une loi née du sacré. La conscience de chaque être humain s’aiguise ou s’affûte en se confrontant au double commandement de l’amour : amour de Dieu, amour du prochain.
Pour s’en convaincre, il suffit de voir vivre Jésus : sa liberté de comportement par rapport aux interdits énoncés par les lois du judaïsme est flagrante : il se dit maître du sabbat, il accueille les indésirables, il enseigne sur le pur et l’impur un message très nouveau…
« L’heure vient, dit Jésus àla Samaritaine, où ce n’est plus au Temple que l’on adorera, mais en esprit et vérité » Désormais la vraie religion de l’Évangile, c’est celle qui fera vivre Dieu dans l’agir de chaque chrétien.
Pour Joseph Moingt, il est nécessaire de sortir de l’image d’un Dieu lointain, tout-puissant, n’attendant que notre adoration. Dieu est au cœur de l’histoire des hommes, au cœur même de l’humanité.
Si l’homme accepte ce Dieu de la vie, c’est l’Esprit-Saint, souffle de Dieu, qui ouvre àl’homme une mission nouvelle. Le christianisme est un humanisme nouveau. Un humanisme dont le principe même est celui d’une rénovation perpétuelle et le moteur est la vie, la mort et la Résurrection de Jésus.
L’Évangile est annoncé par la vision des prophètes qui déjàrelativisaient la Loi ou les lois. Le cÅ“ur même de la Bonne Nouvelle, ce sont les Béatitudes, l’annonce d’un monde « autre » où la pratique de la charité en actes est au centre.
L’esprit du christianisme, c’est d’aimer Dieu et d’aimer le prochain. Exigences indissociables si l’on veut devenir disciple de Jésus.
Une prise de conscience indispensable pour chacun : « revisiter la tradition de la foi, trop souvent recouverte du voile de la religion ».