La classe flexible vient des Etats-Unis où des études ont montré que la liberté de mouvement pendant la classe améliorait les capacités d’apprentissage. Mais, au-delà des questions de mobilier scolaire et de position apportant concentration et confort, c’est la pédagogie des apprentissages qui est entièrement revisitée, laissant aux enfants le choix de pouvoir travailler seuls, en binôme ou en groupe, de communiquer, l’objectif étant de développer un état d’esprit chez l’enfant qui va le conduire à l’autonomie, l’inciter à se prendre en charge pour faire son travail et devenir acteur de ses apprentissages.
L’école Massillon, dans le 4e arrondissement de Paris, sous tutelle oratorienne, propose une classe flexible en CM2, afin de préparer les enfants à l’autonomie nécessaire au collège. Stéphanie Jarmache, l’enseignante, revient sur le fonctionnement et les bénéfices de cette classe.
«Une dizaine d’années en maternelle m’a tout appris de la classe flexible. En fin de grande section, l’élève est autonome, il se prend en charge en travaillant à son rythme. S’il a besoin d’aide, il le dit simplement. Il est toujours en interaction spontanée avec ses camarades et l’enseignant. Il n’a pas peur de se tromper car il apprend de ses erreurs. De la GS au CM2, cette spontanéité, cette capacité d’interagir et de se prendre en charge a été perdue. La première fois que j’ai eu une classe de CM2, les élèves me sont apparus figés dans une attitude d’attente, au moment même où l’acquisition et l’accès à l’autonomie devaient accompagner le passage au collège.
Il m’a semblé essentiel de mettre fin à cette organisation de travail isolée et verticale, de créer de nouvelles dispositions tant pédagogiques que matérielles. Après cinq ans de fonctionnement en classe flexible, l’adhésion et les progrès des élèves me confortent dans cette démarche. C’est pourquoi il est important de l’expliquer.
« Je me sens plus libre, mais je travaille quand même» explique Lana. Avoir la liberté de choix des activités les rend responsables, impliqués, motivés. Chaque semaine, le programme inscrit sur une feuille de route est respecté et suivi. Les élèves sont partie prenante et deviennent acteurs de leurs apprentissages, ils prennent de plus en plus d’initiatives, ont plus confiance en eux, confiance en moi, qui représente le point d’ancrage. Nous travaillons ensemble, dans le respect des instructions officielles, mais avec un plaisir certain, car le fait de choisir change tout. A la fin de l’année, ils sont prêts pour la phase suivante et peuvent passer au collège.
2. Une conduite accompagnée
Chaque élève arrive avec un bagage qui lui est propre : son fonctionnement, son rythme, ses besoins, ses difficultés, ses aspirations, ses questions, ses émotions ! La flexibilité l’aide à trouver sa place au sein du groupe. Même si c’est moi qui donne le« la», c’est lui qui découvre, déchiffre et se met à jouer la partition jusqu’à l’interpréter de manière toute personnelle.
Il peut arriver que je consacre 20 à 30 minutes à un élève en difficulté ponctuelle, sans l’avoir planifié. J’en profite pour demander s’il y en d’autres et les invite à nous rejoindre. Personne ne reste seul, il y a toujours quelqu’un pour aider. L’échange et la collaboration sont permanents. Le suivi personnalisé est immédiat. J’aime assez le terme de « co-construction» pour définir cette situation.
- De la mobilité à l’engagement
C’est pour les élèves le plus grand changement à vivre ! Cela commence par le placement ; il faut tous les jours avoir un camarade différent à côté de soi, et choisir sa place en cohérence avec son activité du moment. Paradoxalement, dans cette classe flexible et mobile, c’est une obligation. Mila relève la pertinence de cette règle : «il n’y a pas de disputes dans cette classe, on change tout le temps de place. On travaille en autonomie ou en groupe, chacun apporte ce dont l’autre a besoin !»
- Les ateliers plaques tournantes
Tout passe par les ateliers, apprendre une nouvelle notion, en revoir une autre, travailler la méthodologie, corriger, répondre à la demande spécifique d’élèves. Un groupe de 4 à 8 élèves vient me rejoindre. En fonction du nombre, nous aménageons l’espace d’apprentissage, autour d’une table, par terre avec un claustra mobile, dans le couloir sur un panneau dédié à cet usage. Des élèves relèvent le défi de diriger un atelier. Au début, c’est surtout de corrections qu’il s’agit mais petit à petit, ils se lancent jusqu’à expliquer eux-mêmes une notion (après vérification qu’elle est comprise).
- Une évaluation flexible et sans stress
Dans cette classe, l’évaluation est avant tout formatrice. Elle est volontairement choisie par l’élève lorsqu’il se sent prêt. Elle suit les principes de la flexibilité. Elle est réalisée en autonomie, seul, en binôme ou en petit groupe sans être imposée en classe entière. Les claustras mobiles sont très pratiques dans le cas d’une évaluation de groupe. Le binôme ou le groupe doit décider ensemble du résultat final. La responsabilité et les critères de réalisation sont communs. Ils favorisent à la fois l’autorégulation, l’autoévaluation, et paradoxalement, les compétences acquises débouchent sur une autonomie nouvelle pour chacun.
- Les outils pédagogiques
La liberté repose sur de solides outils pédagogiques. J’ai choisi des supports en lien avec ma démarche. Les manuels sont adaptés et deviennent des repères pour les élèves. Chaque semaine s’organise selon le même schéma rassurant. Une fois qu’il est compris, les automatismes se créent et l’élève se détache de la forme pour accéder au contenu.
Les IPads facilitent l’interaction et la transmission du travail. Utilisés à bon escient, sous mon contrôle permanent, ils aident à la création d’exposés et participent à la validation des compétences numériques demandées par l’Education Nationale. Les applications choisies sont source de remédiation et différenciation pour un programme de révision à la carte. Les élèves revoient leurs leçons, créent des capsules vidéos de leurs leçons, enregistrent leurs lectures orales ou leurs poésies. Un élève dyslexique a pu bénéficier de l’aide du clavier intégré dans toutes ses productions écrites ; un autre, en grande difficulté, les a dictées par oral. Le numérique est au service des apprentissages.
Conclusion
En préparant un dossier pour le rectorat, pour équiper en mobilier la deuxième classe flexible du primaire en CP, il nous a été demandé de prouver la validité du projet en donnant des indicateurs de réussite. La motivation, l’envie de travailler, l’action sont-elles des indicateurs ? Des élèves bien dans leurs chaussons, libres de leurs mouvements, actifs et acteurs sont-ils des indicateurs ? L’épineux sujet du numérique dans les apprentissages est-il un indicateur ? De nombreux visiteurs, professeurs, directeurs et directrices, inspectrice, personnel du rectorat, stagiaires : sont-ils des indicateurs ? La perspective d’une continuité possible pour la sixième est-elle aussi un indicateur ?
Reprenons les mots de la charte éducative, que j’ai relue avec intérêt et qui me conforte dans mon choix de classe flexible :
L’autonomie pour se construire
La confiance pour se connaître
La responsabilité pour s’ouvrir