Le prêtre selon Bérulle dans ses écrits
Dans ce texte, Blandine Delahaye reprend les grands thèmes développés lors d’un atelier organisé par Catherine Marin àL’ISTR, le 8 avril 2010,
Le 5 juin 1599, Pierre de Bérulle est ordonné prêtre. Controversiste, aumônier du roi, il assumera différentes missions politiques : dès 1617 la réconciliation de la reine mère Marie de Médicis avec son fils Louis XIII, puis en 1624 la négociation du mariage entre Henriette et Charles I er d’Angleterre dont il espère la fin des persécutions des catholiques anglais. Bérulle s’oppose àRichelieu qui veut s’allier aux états protestants pour faire pièce àl’Espagne.
Bérulle s’investit lui-même pour introduire en France les Carmélites réformées par Thérèse d’Avila (tome 9). A 29 ans, il en est l’un des trois supérieurs avec Gallement et Duval puis Visiteur. De 1604 jusqu’au 2 octobre 1629 il gardera cette responsabilité et se dépensera au service des 44 carmels.
Changer le prêtre voici le défi que Bérulle relève. Comment faire comprendre àceux qui veulent devenir prêtres ce qu’est une vie authentiquement vouée au sacerdoce ? Par une réaction constructive, Bérulle veut donner aux prêtres diocésains, collaborateurs des évêques dans le ministère paroissial, les moyens d’être àla hauteur de leur tâche. Son objectif premier est la vie intérieure des prêtres.
I- La naissance de l’Oratoire de Notre-Seigneur Jésus-Christ le 11 novembre 1611.
Pour Bérulle, il importe de greffer cette nouvelle fondation sur un tronc déjàexistant. Aussi rencontre-t-il àParis, les Pères Bermond et de Rez. Par eux, il découvre la manière de vivre de l’Oratoire de Provence et la personnalité du supérieur le P. Romillion. Sur l’adhésion de l’Oratoire de Provence àcelui de Bérulle il faut lire les lettres 72, 77, 111, 117 et 126 au tome 9, et 267 au tome10.
      Dès la fin 1610, Bérulle écrit le projet de la future congrégation publié en lettre 63. Dès le 19 août 1611, Marie de Médicis et Mgr de Gondi demandent àPaul V, une bulle d’institution. Bérulle entre le 8 janvier 1611 et le 10 février 1613 envoie 14 lettres àNicolas de Soulfour qui àRome réside chez le cardinal de la Rochefoucauld représentant du roi auprès du Pape. Bérulle explique alors son projet, le défend, réfute les objections et veille scrupuleusement àce qu’aucune expression malheureuse n’introduise une ambiguïté.
Ce désir profond de réformer le clergé diocésain le pousse àmettre l’oratorien sous la dépendance de l’évêque du lieu où il est appelé. Par voie de conséquence, il accepte de servir la pastorale de l’Eglise locale. L’Oratoire aura toutefois un Supérieur général, assisté d’un conseil mais le pouvoir de ce dernier ne s’exercera que sur la vie interne de la Congrégation afin d’assurer une répartition efficace et équilibrée des pères dans les différentes implantations sur le territoire national. Les oratoriens vivent en communauté afin de favoriser le soutien fraternel, le partage économique et culturel, ainsi que le ressourcement spirituel. Il est prévu que des prêtres diocésains peuvent venir partager la vie de telle ou telle communauté. Un oratorien va durant ce séjour les remplacer dans leur paroisse. Les prêtres et les séminaristes qui demandent àrentrer àl’Oratoire renoncent àtout bénéfice pour signifier la perspective spirituelle du sacerdoce. Les revenus de la congrégation, fruit du travail apostolique, font l’objet d’un partage communautaire.
II- L’esprit de l’Oratoire de Jésus-Christ Notre-Seigneur.
      Bérulle se préoccupe d’enraciner les vues théologiques dans l’expérience spirituelle. Les Collationes (tome 1) pour la première fois publiées en français, apportent un éclairage sur la spiritualité de Bérulle avec les méditations sur les fêtes de Marie ou de Marie-Madeleine ou sur les mystères du Christ ainsi sur l’Incarnation. L’oratorien vit en Jésus-Christ et selon lui et applique la charité de son Esprit àtous ses devoirs. Il pratique par amour toutes les vertus propres au sacerdoce. Il accorde une place toute spéciale àl’abnégation et àl’esclavage àJésus et àMarie.
Bérulle incite les oratoriens àmettre en pratique : « En tout besoin recourez àl’oraison et àla prière, pénétrées d’action de grâces, pour présenter vos requêtes àDieu ». Ils sont en oraison de deux manières : ils s’y appliquent expressément àcertaines heures, le plus souvent qu’ils le peuvent et font toutes leurs actions en esprit d’oraison. Pour trouver la paix intérieure, ils prient en union et par hommage aux actions de Jésus-Christ, dans ses intentions et ses dispositions, pour adorer et glorifier en lui et par lui la très sainte Trinité. Cette paix intérieure fait transparaître la douceur dans l’extérieur.
      Comment l’oratorien doit-il vivre de l’esprit de Jésus-Christ? Consacré àtoutes les tâches qui relèvent du sacerdoce, il est soumis àl’autorité de l’évêque du diocèse qui l’a appelé, àcelle du Supérieur de la Maison de l’Oratoire dont il dépend en cette ville mais aussi àcelle du Supérieur général de la Congrégation. L’important dans la formation des prêtres de l’Oratoire est de les appliquer àl’usage de la science des saints qui repose sur l’acquisition de la science théologique. Le prêtre doit travailler infatigablement, dans les prédications, dans les missions, dans l’administration des sacrements, dans l’instruction de la jeunesse et en toutes les occasions au salut des âmes.
      L’entrée en la Congrégation de l’Oratoire n’est pas systématique car Bérulle recherche avant tout des prêtres de qualité. Il s’oppose aux pratiques du temps. Il instaure la nécessité d’examiner les dispositions et la vocation des prétendants qui doivent se perfectionner en l’esprit de Jésus-Christ pour s’approcher de l’autel. Les oratoriens font profession expresse d’appartenir àJésus-Christ et d’être dévoués au service de l’Eglise, pour l’instruction des ecclésiastiques et pour le salut des âmes. Ils doivent « mourir àeux-mêmes » pour vivre de la vie de Jésus-Christ. Les prêtres, médiateurs avec Jésus-Christ entre Dieu et les hommes, restent avec zèle toujours fidèles àleurs engagements premiers.
Bérulle part de l’Epître aux Hébreux, le Christ est présenté comme le médiateur entre Dieu et les hommes. Il faut passer par le Christ qui est aussi grand prêtre c’est-à-dire qu’il offre au Père au nom de toute l’humanité, un sacrifice parfait parce que la victime en est parfaite et n’est autre que lui-même. A la Croix, le monde et Dieu se rejoignent dans le Christ prêtre et victime. Or, parce que la messe perpétue le sacrifice de la Croix et qu’elle est dite par le prêtre, celui-ci est comme configuré àJésus-Christ. Le disciple de Bérulle, François Bourgoing déclare : « Par la consécration sacerdotale, nous sommes revêtus de la personne même de Jésus-Christ, nous opérons et consacrons comme étant lui-même. » Le prêtre est ainsi un « autre Christ ». Cette présentation du prêtre est donc àla fois théologique et mystique. Nous sommes bien aux antipodes de ce qui est vécu jusqu’alors.
      Cette définition du prêtre implique des conséquences sur la manière dont il doit comprendre sa vie. Ainsi, la messe n’est plus seulement un service cultuel mais le centre même de l’univers, et par conséquent le centre de la vie personnelle du prêtre. Homme de l’Eucharistie, le prêtre en contact permanent avec Dieu est un homme de prière.
III Le Mémorial pour la direction des Supérieurs et la Correspondance
Bérulle dans Le Mémorial composé àla Pentecôte 1624 (tome 8) avant son départ pour l’Angleterre pourvoit àce que l’esprit de l’Oratoire se maintienne en son absence. En trente trois chapitres, Bérulle montre comment l’Oratoire est voué par état àla perfection du sacerdoce. Il expose les vertus et qualités dont les supérieurs doivent être doués pour s’acquitter avec sainteté de leurs fonctions. Ces qualités seront reprises dans ses lettres lorsqu’il encourage et soutient les oratoriens dans les difficultés de leurs charges.
 Bérulle en théologien recentre sur les sacrements le sacerdoce. Les prêtres initiés àla vie intérieure s’efforcent toujours de cultiver leur propre expérience spirituelle afin de transmettre inlassablement l’esprit de Jésus-Christ aux âmes si diverses du peuple chrétien. L’oratorien, théologien, psychologue doit par une dynamique spirituelle, tendre àpratiquer dans la perfection toutes les vertus àl’image de Jésus-Christ. La figure du prêtre séculier, nourri par l’oraison semble être un modèle pertinent d’inculturation des valeurs évangéliques dans des situations spirituelles toujours inédites. La doctrine de Bérulle de former des prêtres dignes de la mission qu’ils ont reçue àl’ordination, marque une rupture certaine avec son époque.
                                                                                                         Blandine Delahaye
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