Jésus aime àse réfugier dans les bois des cerfs au cÅ“ur des futaies profondes qui sont comme des églises de plein air. Chaque fois, c’est la même histoire, le noble animal se retourne lentement, majestueusement vers un cruel chasseur pour lui parler. Une exception toutefois, celle du paisible saint Edern, Breton des plus accommodants, fêté le 26 août, qui aimait bien les bêtes puisqu’il ressuscitait les vaches et chevauchait un cerf pour se déplacer. C’est ainsi que vous le verrez représenté sur le rugueux calvaire de granit de Birilit, àLoqueffret (Finistère).
La plus épouvantable histoire, légendaire par bonheur, est celle de saint Julien-l’Hospitalier. Celui-ci n’a pas accompli l’oracle d’Apollon dans Å’dipe. Il n’a pas tué son père et épousé sa mère, il a fait pire, il a tué son père et sa mère. C’est le cerf qu’il poursuivait qui le lui avait prédit : « Tu me chasse et tu tueras ton père et ta mère ». Épouvanté Julien était parti très loin, avait, comme on dit, refait sa vie. Or un jour qu’il était àla chasse – incorrigible ! -, sa femme avait accueilli deux vieux voyageurs, les logeant dans la chambre maritale. Julien, de retour, furieux, transperce le drap de son épée pour découvrir le corps de ses parents, àsa recherche depuis des années. À crime terrible, conversion fracassante. Il va se vouer au soin des lépreux, les chargeant sur ses épaules pour les mener chez lui. Un jour l’un des ces malades se transformera en archange pour lui annoncer sa rédemption.
Plus paisible ! Né en 656, mort en 727, lié àla famille de Charlemagne, Hubert de Liège est celui dont nous célébrons en ce jour la fête àgrand renfort de trompes (officiellement, il est fêté le 3 novembre). Le jeune homme est du genre insouciant, délaissant ses devoirs pour se livrer aux plaisirs cynégétiques et, circonstance aggravante, chassant un vendredi saint. Le cerf qu’il poursuivait se retourne et lui dit : « Jusqu’àquand ta passion te fera-t-elle oublier le salut de ton âme ? » Il deviendra l’évêque de Maastricht et le saint protecteur de Liège.
Enfin, le plus cher ànotre cœur, saint Eustache, Romain du nom de Placidus, homme auréolé de succès militaires. Lui aussi, est pressé par le crucifix, parlant du haut des bois d’un « dix cors », de se faire baptiser ; ce qu’il fait aussitôt, en prenant le nom d’Eustache, ainsi que sa femme et ses deux enfants. Ayant refusé de sacrifier aux divinités païennes, ils subiront tous quatre un horrible martyre. Ils seront enfermés dans un taureau d’airain chauffé àblanc comme le montre le tableau de Simon Vouet accroché au fond de l’église. La légende royale française rapporte également que c’est d’un cerf que Philippe le Bel reçut en forêt de Fontainebleau, en 1314, l’annonce de sa mort.
Un bon éditeur catholique, vient de publier la vie d’un collègue de la rive gauche, néanmoins ami en sainteté de notre Eustache : saint Séverin (Saint Séverin par Eugippe) À quand une vie de notre saint patron ? Pour cela, adressez-vous, comme je m’apprête àle faire, aux Éditions… du Cerf.
Jean-Paul Desprat, paroissien de l’église Saint-Eustache