En cette période de discernement, liée àl’élection présidentielle, comment ne pas rechercher dans les programmes l’attention portée àcette question fondatrice de nos sociétés : « suis-je le gardien de mon frère » ? Quelles traces du prendre-soin, observons-nous àl’égard des personnes blessées par la vie pour que chaque citoyen bénéficie d’une égale dignité.
Il n’est pas inutile de rappeler le cri de Frédéric Ozanam devant la violence de la Société industrielle du 19e siècle : « il y a beaucoup d’hommes qui ont trop et qui veulent avoir encore ; il y en a beaucoup d’autres qui n’ont rien et qui veulent prendre si on ne leur donne rien. D’un côté, la puissance de l’or, de l’autre la puissance du désespoir ». Qui ne voit pas que la Société est menacée par de graves iniquités et des excès insupportés pour insulter le devenir de ceux confrontés àdes « restes pour vivre » indécents, jusqu’àse trouver dans l’impossibilité d’avoir un toit. Le consentement àl’égard de ces situations, fût-il passif, relève d’une agression intolérable ; elle doit cesser.
La bienveillance n’est jamais paresse de l’esprit pour être une veille àl’égard des situations qui fracturent la Société.
Oui, interrogeons-nous quant àla traçabilité des solidarités nécessaires pour briser sans délai l’insupportable misère avec « l’ardente obligation » de faire reculer dans les cinq prochaines années les précarités, sans oublier de faire naître des projets collectifs dépassant les intérêts partisans.
Quand une Société déserte la joie de se rassembler pour se dépasser, alors elle se meurt.
Quatre propositions s’imposent avec acuité :
– réconcilier la Nation avec ses Cités
– repenser l’aménagement du territoire, une urgence pour sortir du mal-logement
– valoriser les personnes fragilisées notamment par l’âge et la perte d’autonomie. Le vieillissement devant être considéré non comme une charge, mais une chance pour offrir ànotre société plus d’humanité.
– construire une Europe qui ne soit plus prise en otage pour lui faire porter nos erreurs ou la restreindre àun marché. Aussi sera-t-il recherché avec les États membres une participation de la jeunesse au Conseil de l’Europe, via des réseaux, tel celui d’Erasmus, pour faire de ce « vieux continent » un espace créateur de liberté et de plus grande solidarité.
Loin des surenchères, le possible doit surgir sans nous éloigner du souhaitable. Quittant alors les arrogances de ces programmes qui clôturent l’avenir ou de ceux qui prônent les facilités mensongères, la vie politique trouverait un consensus, celui-làmême que fait naître l’enthousiasme partagé.
Cet enjeu, pour être celui de la fraternité, interroge notre foi.
Père Bernard Devert, fondateur d’Habitat et Humanisme