« L’une et l’autre Alliance »
Méditation du P. Luc Forestier
Méditation du P. Luc Forestier
Deuxième lecture du vendredi 25 mars 2022
Frères, il est impossible que du sang de taureaux et de boucs enlève les péchés. Aussi, en entrant dans le monde, le Christ dit :
« Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps.
Tu n’as pas agréé les holocaustes ni les sacrifices pour le péché ;
alors, j’ai dit : Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté, ainsi qu’il est écrit de moi dans le Livre. »
Le Christ commence donc par dire :
« Tu n’as pas voulu ni agréé les sacrifices et les offrandes, les holocaustes et les sacrifices pour le péché, ceux que la Loi prescrit d’offrir. »
Puis il déclare :
« Me voici, je suis venu pour faire ta volonté. »
Ainsi, il supprime le premier état de choses pour établir le second. Et c’est grâce àcette volonté que nous sommes sanctifiés, par l’offrande que Jésus Christ a faite de son corps, une fois pour toutes.
Hébreux 10, 4-10
Pour fêter l’Annonciation, grande fête pour la tradition oratorienne, la liturgie nous propose un extrait un peu difficile de la lettre aux Hébreux ! Je ne retiens ici que deux éléments singuliers, dont l’articulation peut être éclairante.
D’une part, l’auteur de la lettre aux Hébreux semble croire que Jésus parle et récite des psaumes dès son plus jeune âge ! « Entrer dans le monde » peut en effet désigner l’Annonciation, puisque le Verbe se fait chair au sein de la Vierge Marie en ce jour ; cela peut aussi désigner la naissance de Jésus, que nous fêtons àNoël. Mais, dans tous les cas, on comprend assez mal comment Jésus, embryon ou nouveau-né, peut réciter des psaumes !
D’autre part, les personnes attentives aux justes relations entre juifs et chrétiens sursautent en lisant que Jésus-Christ « supprime le premier état des choses pour établir le second ». Cette formule rappelle les risques de ce que l’on appelle la théologie de la substitution, c’est-à-dire le remplacement du peuple d’Israël par l’Église. Cette manière de congédier le judaïsme se heurte au constat qu’il y a, au contraire, une authentique permanence d’Israël, ce que reconnaît saint Paul dans des pages célèbres de l’épître aux Romains (Rm 9-11). De plus, sur le plan historique, ce n’est certainement pas Jésus qui a mis fin aux sacrifices des animaux dans le Temple de Jérusalem car ce sont les armées romaines qui l’ont détruit en 70 de notre ère, quarante ans après la mort de Jésus.
Sans doute faut-il rapprocher ces deux difficultés en comprenant que l’auteur de la lettre aux Hébreux ne cherche pas àrédiger un reportage sur les conditions de naissance de Jésus ! Il ne veut pas davantage réfléchir àla question contemporaine de la permanence d’Israël. En revanche, en mettant les psaumes sur les lèvres de Jésus, il montre le caractère inséparable de l’une et l’autre alliance. Cette puissante articulation se joue àl’intérieur de la Bible car la reprise du psaume par la lettre aux Hébreux permet de comprendre comment Jésus y déchiffre sa propre vocation. Les chrétiens reçoivent ainsi, dans les Écritures qui font vivre le peuple d’Israël, ce qui leur permet de communier àl’acte de lecture du Christ dont le point culminant est le don de sa vie.
Luc Forestier, prêtre de l’Oratoire àParis
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Illustration : L’Annonciation, atelier de Verrocchio, attribuée àLéonard de Vinci, 1472-1475, Galerie des Offices àFlorence