Marie, Mère de l’Eglise
Méditation biblique du P. Luc Forestier
Méditation biblique du P. Luc Forestier
Évangile du lundi 29 mai 2023
En ce temps-là, près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie Madeleine. Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit àsa mère : « Femme, voici ton fils. » Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » Et àpartir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui. Après cela, sachant que tout, désormais, était achevé, pour que l’Écriture s’accomplisse jusqu’au bout, Jésus dit : « J’ai soif. » Il y avait làun récipient plein d’une boisson vinaigrée. On fixa donc une éponge remplie de ce vinaigre àune branche d’hysope, et on l’approcha de sa bouche. Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est accompli. » Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit.
Comme c’était le jour de la Préparation (c’est-à-dire le vendredi), il ne fallait pas laisser les corps en croix durant le sabbat, d’autant plus que ce sabbat était le grand jour de la Pâque. Aussi les Juifs demandèrent àPilate qu’on enlève les corps après leur avoir brisé les jambes. Les soldats allèrent donc briser les jambes du premier, puis de l’autre homme crucifié avec Jésus. Quand ils arrivèrent àJésus, voyant qu’il était déjàmort, ils ne lui brisèrent pas les jambes, mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau.
Jn 19, 25-34
À peine sortis du Temps pascal, voilàque cette journée consacrée àla fête de Marie, mère de l’Église, nous replonge au cœur du Triduum pascal, et plus exactement du Vendredi saint, au moment où Jésus achève son pèlerinage terrestre en offrant sa vie. Notre prière est soudainement orientée vers ce moment ultime que Jean rapporte avec beaucoup d’originalité par rapport aux autres Évangiles. Ce n’est pas seulement la manière même dont Jésus meurt, en remettant son esprit et en disant que « tout est accompli », qui marque ce récit singulier, c’est aussi le positionnement des deux autres personnages, la Mère et le Disciple que Jésus aimait.
Dans le quatrième évangile, Marie n’est désignée que comme la « mère de Jésus », et il va de même pour ce Disciple, traditionnellement désigné comme Jean, c’est-à-dire l’auteur de cet évangile, mais qui n’apparaît qu’avec la formule significative « le Disciple que Jésus aimait ». C’est non seulement par la narration, mais aussi par la manière de désigner les personnages, que Jésus est vraiment mis au centre du drame qui se noue, car les deux autres personnages n’existent sur le plan littéraire qu’en fonction de lui. Le dernier acte d’autorité que le Seigneur mis en croix, exerce sur terre prend alors une importance particulière. Naturellement, le Jésus du quatrième évangile est montré tout au long du récit comme un homme parlant avec autorité. L’un des exemples les plus fameux est le moment de son arrestation où, répondant « c’est moi » aux soldats venus l’arrêter, ces derniers tombent par terre !
Mais, ici, il y a un geste ultime qui permet d’affirmer que tout est accompli ! « Femme, voici ton fils » constitue une ouverture inédite des relations familiales voire une subversion de celles-ci pour désigner l’Église. Naturellement, cette maternité de la Mère de Jésus est strictement adoptive, et rien ne remplacera le lien unique entre une femme et les enfants auxquels elle a donné naissance. Mais l’élévation de Jésus et le don de son esprit ouvrent les temps nouveaux dans lesquels il devient possible de vivre des relations de fraternité àlaquelle il faut d’abord consentir.
« Voici ta mère » est alors l’invitation lancée au Disciple qu’il aimait – et àtous les disciples àtravers les siècles – àreconnaître une place singulière àla Mère de Jésus. La fraternité ecclésiale n’est créée que par le don de Saint-Esprit, grâce au geste du Fils et pour accomplir le dessein du Père. Mais, depuis ce tournant de notre histoire, veille une Mère qu’il est toujours possible de saluer, en la reconnaissant « pleine de grâce », et en l’invoquant, aujourd’hui et au jour de notre mort.
Luc Forestier, prêtre de l’Oratoire, Paris
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Illustration : Le Christ entre deux larrons, Pierre-Paul Rubens, Musée des Augustins de Toulouse, vers 1635