Première lecture du vendredi 19 mars 2021
Mais, cette même nuit, la parole du Seigneur fut adressée àNatân en ces termes : « Va dire àmon serviteur David : Ainsi parle le Seigneur. « Est-ce toi qui me construiras une maison pour que j’y habite ? » Je n’ai jamais habité de maison depuis le jour où j’ai fait monter d’Égypte les Israélites jusqu’aujourd’hui, mais j’étais en camp volant sous une tente et un abri. Pendant tout le temps où j’ai voyagé avec tous les Israélites, ai-je dit àun seul des juges d’Israël, que j’avais institués comme pasteurs de mon peuple Israël : « Pourquoi ne me bâtissez-vous pas une maison de cèdre ? »
Voici maintenant ce que tu diras àmon serviteur David : Ainsi parle le Seigneur des armées. C’est moi qui t’ai pris au pâturage, derrière les brebis, pour être chef de mon peuple Israël. J’ai été avec toi partout où tu allais ; j’ai supprimé devant toi tous tes ennemis. Je te donnerai un grand nom comme le nom des plus grands de la terre. Je fixerai un lieu àmon peuple Israël, je l’y planterai, il demeurera en cette place, il ne sera plus ballotté et les méchants ne continueront pas àl’opprimer comme auparavant, depuis le temps où j’instituais des juges sur mon peuple Israël ; je te débarrasserai de tous tes ennemis.
Le Seigneur t’annonce qu’il te fera une maison. Et quand tes jours seront accomplis et que tu seras couché avec tes pères, je maintiendrai après toi le lignage issu de tes entrailles et j’affermirai sa royauté. C’est lui qui construira une maison pour mon Nom et j’affermirai pour toujours son trône royal. Je serai pour lui un père et il sera pour moi un fils : s’il commet le mal, je le châtierai avec un bâton d’homme et par les coups que donnent les humains. Mais ma faveur ne lui sera pas retirée comme je l’ai retirée àSaül, que j’ai écarté de devant toi. Ta maison et ta royauté subsisteront àjamais devant moi, ton trône sera affermi àjamais. »
2 Samuel 7, 4-16
Méditation
La solennité de saint Joseph nous donne l’occasion de prendre conscience de l’année que le pape François a voulu lui consacrer, 150 ans après que l’Église universelle a été placée sous son patronage par Pie IX. En réalité, au cours de l’histoire de l’Église occidentale, la dévotion àJoseph est passée par plusieurs phases, en valorisant tantôt l’homme chaste, tantôt le travailleur qui se consacre àsa famille, tantôt le modèle de paternité qu’il représente, tantôt l’homme décidé qui assure la sécurité de sa famille.
Les bouleversements anthropologiques que nous connaissons, poussent le pape François àinsister sur cette paternité humaine tandis que la première lecture de cette grande fête est centrée sur la fidélité de Dieu àl’intérieur de l’histoire de l’humanité. Il y a pourtant un lien supplémentaire entre la Lettre apostolique Patris corde (8 décembre 2020) et ce chapitre essentiel du deuxième livre de Samuel. Dans les deux cas, nous voyons un engagement réciproque mais dissymétrique dans l’alliance. Ce n’est qu’en Dieu que se trouve l’origine de cette alliance, même s’il faut bien une humanité pour l’accueillir et l’inscrire dans l’histoire.
La promesse que Dieu attache àl’alliance peut apparaître surprenante dans la première lecture. Loin d’être une garantie de richesse ou de longue vie, ou encore le triomphe sur les ennemis, il s’agit de construire une « maison » c’est-à-dire une descendance. Il y a donc un puissant déplacement par rapport aux attentes d’un David qui rêve de palais. La promesse concerne la possibilité d’une transmission, et non la garantie d’une propriété privée ! Il s’agit de l’inscription dans une histoire, et non d’un découpage cadastral.
De même, la promesse faite àJoseph, dont témoigne brièvement les évangiles n’est en rien le confort d’une vie tranquille et repue. Il s’agit au contraire d’une responsabilité radicale, celle d’assurer les conditions des premières années d’un enfant, quand se transmettent les premiers éléments d’une grammaire commune àtous, mais singulière àchacun, celle de l’existence humaine. En cela, Joseph est le modèle de celles et de ceux qui sont chargés de toutes les formes d’éducation, jusque dans l’effacement de sa personne dans la mise en œuvre de cette charge essentielle àl’humanité.
Pour David comme pour Joseph, la responsabilité de la transmission implique un engagement personnel radical car il conduit àaccueillir la surprise du dessein de Dieu qui s’inscrit dans l’histoire. Ni David, ni Joseph, n’ont eu la maîtrise de ce qu’ils ont transmis, mais ils ont cherché àrépondre àleur vocation au milieu de circonstances troublées. En cela, ces figures peuvent nous inspirer aujourd’hui.
ÂÂ
Luc Forestier, prêtre de l’Oratoire àParis
Version pdf imprimable N&B en format A4 :
Illustration : Le Roi David jouant de la harpe, enluminure extraite du Psautier Luttrell, British Library, 1325-1340.