Première lecture du jeudi
22 juillet 2021
Fête de sainte Marie-Madeleine
Car l’amour du Christ nous presse, àla pensée que, si un seul est mort pour tous, alors tous sont morts. Et il est mort pour tous, afin que les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux.
Ainsi donc, désormais nous ne connaissons personne selon la chair. Même si nous avons connu le Christ selon la chair, maintenant ce n’est plus ainsi que nous le connaissons. Si donc quelqu’un est dans le Christ, c’est une création nouvelle : l’être ancien a disparu, un être nouveau est là.
Deuxième Épître aux Corinthiens 5, 14-17
Méditation
C’est en 2016 que le pape François a décidé que la célébration de la mémoire de sainte Marie-Madeleine deviendrait une fête, comme c’est le cas pour les apôtres, montant d’un cran dans la hiérarchie des célébrations liturgiques de l’Église catholique latine. Cela se traduit par une préface propre dont nous bénéficierons dans la prochaine édition du Missel romain qui entrera en vigueur au premier dimanche de l’Avent, le 28 novembre prochain. Le décret de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements permet aussi de comprendre les raisons d’une telle décision. « L’Église, que ce soit en Occident ou en Orient, a toujours réservé la plus grande considération àsainte Marie-Madeleine, premier témoin et évangéliste de la résurrection du Seigneur, et ainsi elle a été célébrée, quoiqu’en des manières différentes. » Les deux titres sont ici tout àfait essentiels, « témoin » et « évangéliste ». Ils permettent de comprendre la manière dont Marie-Madeleine a su accueillir pleinement la nouveauté de la résurrection que décrit Paul.
Si la mort est transgressée, en effet, c’est que tout est renouvelé. En quelques mots, Paul rend ainsi compte de l’expérience dont il a bénéficié, lui qui n’est pas connu le Christ selon la chair, mais qui a été associé par grâce àsa résurrection. Ces quelques versets permettent de comprendre les débats vifs entre chrétiens, au milieu desquels Paul se positionne. Les conflits que nous pouvons reconstituer en lisant la littérature paulinienne mêlent en effet des considérations de personnes et des polémiques sur la nature de la foi chrétienne.
Non seulement, Paul doit toujours défendre le titre d’apôtre qu’il revendique avec force face àd’autres grandes figures du Nouveau Testament dont la légitimité ne peut pas être mise en cause car ils ont marché avec le Seigneur, depuis le baptême de Jean jusqu’àl’Ascension, selon les critères que saint Luc explicite dans les Actes des Apôtres (Ac 1, 21-22). Mais le débat tient aussi àsa compréhension de la résurrection, acte divin qui n’a aucun équivalent dans les phénomènes naturels que nous connaissons. Nous touchons àla fois àl’intimité d’une expérience que Paul a connue, et àl’originalité de la foi chrétienne qui nous est largement accessible, même si c’est toujours àl’intérieur de l’histoire commune de l’humanité que nous y sommes associés.
Pour Paul, la victoire du Christ sur la mort inaugure le monde nouveau qui vient transfigurer l’histoire. Ce renversement du mal et de la mort peut alors s’inscrire dans nos vies, en acceptant d’y conformer librement nos existences par l’accueil d’un amour qui vient corriger et élever ce qui doit l’être. L’entrée dans cette vie nouvelle nous tourne alors vers les autres afin de partager et d’approfondir la source d’une joie qui traverse l’expérience de la perte.
Sur ce chemin, saisi par saint Paul en quelques mots, Marie-Madeleine constitue àla fois un témoin et un évangéliste. Elle est la première àannoncer la résurrection du Christ dans l’évangile de Jean. Et la transformation qu’elle connaît au moment où elle prend conscience de cette résurrection vient nous toucher, comme ce fut le cas pour Pierre de Bérulle, fondateur de l’Oratoire, qui a rédigé une Élévation àMarie-Madeleine, en la concluant ainsi. « Que par vous, ÆMadeleine, nous ayons accès auprès de Jésus et entrée dans son amour ! Qu’àvotre imitation, nous effacions nos fautes, nous lavions nos taches par nos larmes ! »
Luc Forestier, prêtre de l’Oratoire àParis
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Illustration : Sainte Marie-Madeleine en extase, Pierre-Paul Rubens, vers 1620, Palais des Beaux Arts de Lille, DR