Méditation biblique du père Luc Forestier
4 juillet 2020
4 juillet 2020
Première lecture du samedi 4 juillet 2020
En ces jours-là, je relèverai la hutte branlante de David,
je réparerai ses brèches, je relèverai ses ruines,
je la rebâtirai comme aux jours d’autrefois,
afin qu’ils possèdent le reste d’Édom
et toutes les nations qui furent appelées de mon nom,
oracle du Seigneur qui a fait cela.
Voici venir des jours – oracle du Seigneur –
où se suivront de près laboureur et moissonneur,
celui qui foule les raisins et celui qui répand la semence.
Les montagnes suinteront de jus de raisin,
toutes les collines deviendront liquides.
Je rétablirai mon peuple Israël ;
ils rebâtiront les villes dévastées et les habiteront,
ils planteront des vignes et en boiront le vin,
ils cultiveront des jardins et en mangeront les fruits.
Je les planterai sur leur terre
et ils ne seront plus arrachés de dessus la terre que je leur ai donnée,
dit le Seigneur ton Dieu.
Amos 9, 11-15
Le 4 juillet est une fête importante pour les États-Unis d’Amérique car cela marque l’anniversaire de l’indépendance en 1776 face àla puissance coloniale britannique. La situation géopolitique comme les liens nombreux que nous avons avec cette nation nous rend àjuste titre sensibles àla vie de nos sœurs et frères d’outre-Atlantique. L’arrivée des premières populations d’origine européenne sur une terre qui était déjàhabitée par des populations « natives », comme on dit en anglais, a été interprétée avec les mots de la Bible. Beaucoup des immigrants fuyaient en effet les persécutions religieuses tout autant que les difficultés économiques. Et ce pays-continent aux paysages époustouflants et àla nature généreuse apparaîtra comme la terre que Dieu promet àson peuple.
L’oracle qu’Amos prononce àla fin de son livre n’est donc pas inlassablement renvoyé àdes temps meilleurs mais semble s’accomplir au moment des populations courageuses occuperont progressivement ce qui devient l’Amérique du Nord, non sans affrontement ni violence, en particulier contre les amérindiens puis, plus tard, contre les Noirs déportés d’Afrique. La conviction que Dieu donne une terre généreuse s’accompagne d’un aveuglement certain sur les conditions qu’Amos dénonce pourtant avec beaucoup de force dans son livre quand il décrit les conditions d’exploitation des pauvres (Amos 2, 6-8). Cet aveuglement menace tout le monde, et pas seulement les habitants d’Amérique du nord, car la juste conviction que la promesse divine s’accomplit pour nous doit conduire àla perception des exigences qu’elle implique.
Ainsi, la terre est donnée par Dieu mais sans cesser de lui appartenir ; les humains plantent et récoltent, mais c’est Dieu qui fait pousser ; nous construisons mais c’est Dieu qui bâtit. Les promesses sont donc partiellement accomplies mais elles réclament notre liberté jusqu’àpercevoir nos résistances qui freinent la plénitude de cette nouveauté.
Le geste eucharistique lui-même, qui accomplit et transforme la promesse d’une terre, nous offre la plénitude du repas du Seigneur mais il exige la pleine liberté de notre accueil qui va jusqu’àla reconnaissance de notre inadéquation au mystère célébré. Certes, par le baptême, nous sommes définitivement inscrits dans le royaume qui vient, et qui relativise toute appartenance géographique ou nationale. Certes, par la communion répétée àl’eucharistie, nos existences ébréchées ou déstabilisées sont rebâties comme le Seigneur le promet àpropos de la « hutte branlante de Jérusalem ». Certes, nous voilàrendus capables de construire avec d’autres les villes où tous habiteront. Mais la pleine communion àce geste instaurateur qu’est l’eucharistie réclame l’écoute d’une Parole qui vient heurter de plein fouet nos autosuffisances satisfaites. Cette Parole parfois amère est pourtant toujours nourriture eucharistique qui vient affiner nos appétits en vue du festin ultime qui nous attend déjà.
Luc Forestier, prêtre de l’Oratoire àParis
Visuel : Maurice Denis, « Le Christ vert » (1890)
Huile sur carton – 21×15 cm
Paris, musée d’Orsay
© DR
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