Evangile du lundi 5 octobre 2020
Jésus reprit : « Un homme descendait de Jérusalem àJéricho, et il tomba au milieu de brigands qui, après l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant àdemi mort. Un prêtre vint àdescendre par ce chemin-là; il le vit et passa outre. Pareillement un lévite, survenant en ce lieu, le vit et passa outre. Mais un Samaritain, qui était en voyage, arriva près de lui, le vit et fut pris de pitié. Il s’approcha, banda ses plaies, y versant de l’huile et du vin, puis le chargea sur sa propre monture, le mena àl’hôtellerie et prit soin de lui. Le lendemain, il tira deux deniers et les donna àl’hôtelier, en disant : « Prends soin de lui, et ce que tu auras dépensé en plus, je te le rembourserai, moi, àmon retour. » Lequel de ces trois, àton avis, s’est montré le prochain de l’homme tombé aux mains des brigands ? » Il dit : « Celui-làqui a exercé la miséricorde envers lui. » Et Jésus lui dit : « Va, et toi aussi, fais de même. »
Luc 10, 30-37
Méditation
Cet Évangile s’est tout de suite imposé àmoi, par le constant appel qu’il m’adresse mais aussi par la mauvaise lecture que trop souvent l’on en fait ; le mot prochain signifiant : « celui àqui l’on porte secours, que l’on aide », sens exact par ailleurs ? Qui est notre prochain ? Question capitale ànotre époque, que François n’hésite pas àcaractériser comme « la « société des déchets », parlant des migrants et de tous les « laissés-pour-compte » d’une humanité plus repliée sur ses intérêts que sur l’ouverture aux autres ; bien qu’il ne faille pas ignorer toutes les organisations au service des autres qui ponctuent notre société et les gestes de tant d’anonymes, chrétiens ou non, cherchant àdonner terre, travail, toit aux exclus. Mais dans cette parabole, la question est autre : « qui est le prochain du blessé » ?
Extraordinaire renversement : est prochain le Samaritain, celui qui s’est fait proche du blessé, devenu « prochain ». Me rendre proche, donc être le prochain du pauvre, par l’intérêt que je lui porte, ne plus le considérer comme étranger, comme un paria, me rendre proche, c’est faire l’effort de le regarder, échanger un « bonjour », le remettre debout, ne serait-ce que par le respect et la dignité que je mets àlui parler, quand je le fais ! À l’aider, àcroiser son regard. Facile ? Non.
Pour ma part, sortant de la gare Part-Dieu àLyon, je dois slalomer entre les mains tendues, les yeux ternes, les demandes… C’est un afghan, une roumaine, etc. ; victimes souvent de souteneurs, les privant de la recette de la journée. « Qui est le prochain du blessé ? », demande Jésus… Je le suis parfois, avec mes pauvres moyens, mais si je suis honnête, pas autant que je le devrais, et l’excuse de savoir que certains sont exposés àla mendicité pour le bénéfice de souteneurs, par force souvent, ou par choix parfois, n’est pas une excuse, car doublement victimes.
Oui, l’Évangile d’aujourd’hui, bien qu’il me soit arrivé de me rendre proche de ces épaves, de ces blessés de la vie, surtout en terrain de guerre, me met mal àl‘aise. Je prêche évangile, mais les actes ? De qui je me fais le prochain ? Chaque mendiant, par le mal être qu’il suscite en moi, m’éloigne du Royaume ; car en ne croisant pas son regard, je ne sais pas voir le visage de Jésus crucifié en sa chair meurtrie et son rejet d’une humanité, d’une maison commune, dont lui aussi fait partie, mais que je laisse àla porte. En être conscient ne me satisfait pas. Alors ?…
Michel Dupuy, prêtre de l’Oratoire àla Valfine, Jura
Visuel : Eugène Delacroix, « Le bon samaritain » (1849)
Huile sur canevas – 37 x 30 cm
Collection privée
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