Méditation de la Vigile Pascale du P. Michel Quesnel
Samedi saint, 11 avril 2020
Samedi saint, 11 avril 2020
Le confinement est assez bien harmonisé avec le temps du Carême. Pour les gens vivant seuls, c’est une période d’austérité, de prière intériorisée, de silence ; tout cela rejoint les quarante jours de Jésus au désert, seul, jeûnant, se préparant àvivre trois années de diffusion d’un message d’espérance. Pour les gens vivant àplusieurs dans un petit espace, c’est le temps de la promiscuité et de la difficulté àsupporter les autres dont on aimerait pouvoir mieux s’isoler. Pour certains, c’est l’expérience douloureuse de la maladie, parfois du deuil. Pour tous, c’est la privation de relations nourrissantes, la crainte de la contagion… Si le confinement avait pris fin lors du weekend pascal, les mesures nationales et le temps liturgique auraient parfaitement coïncidé. Dans la nuit du samedi 11 au dimanche 12 avril, nous serions passés de l’austérité àla jubilation, plusieurs catéchumènes auraient été baptisés. Eh bien non. La fête de la Résurrection tombe en plein confinement. Elle coïncide plutôt avec le pic de contamination par le Covid-19, jours où il faut continuer de redoubler de prudence.ÂÂ
Au chapitre 28 de l’évangile de Matthieu, Marie Madeleine et l’autre Marie viennent au tombeau où Jésus a été déposé le vendredi soir, et que trouvent-elles ? Certes, un tombeau ouvert dont la pierre a été déplacée par l’ange du Seigneur, mais àl’intérieur, une béance qui, malgré les paroles prononcées par l’ange, pose autant de questions qu’elle annonce une Bonne Nouvelle. Le corps de Jésus n’est plus là, et le vide laissé par le cadavre qui a été enlevé n’explique rien. Certes, Jésus se montrera ensuite aux deux femmes et les saluera. Mais ce ne sont que des femmes dont le témoignage, dans la société juive de l’époque, n’a pas de valeur.
Nous sommes encore confinés, et le Covid-19 continue de faire des ravages lorsque nous lisons ces réflexions. Les baptêmes prévus de longue date lors de la veillée pascale ne seront pas célébrés avant longtemps. Et, au lieu de nous retrouver pour une célébration festive, le samedi soir, dans une église passant de l’obscurité àla lumière, nous resterons enfermés dans les espaces où nos vies se déroulent ordinairement, essayant de capter par les ondes ou les réseaux sociaux des célébrations qui nous parleront de résurrection.
Acceptons ce défi. Certes, la résurrection de Jésus est pour tous, mais les célébrations festives que nous avions prévues n’auraient, de toute façon, pas été àla portée de tous. Au nord-est de la Syrie, des chrétiens fêtent Pâques dans des conditions de précarité extrême. Dans les rues de nos villes, les plus démunis n’ont ni abri, ni chaleur, ni lumière. Si nous avons quatre murs et un toit pour nous protéger, et du chauffage pour rendre cet espace confortable, nous sommes déjàdes privilégiés. Lorsque nous fêtons Noël, nous évoquons volontiers la précarité sans laquelle vivait la Sainte Famille au moment de la naissance de Jésus. Cette année, les conditions dans lesquelles nous sommes nous conduisent àvivre également la précarité pascale. Jésus ressuscité n’est pas allé se montrer vivant àPilate qui l’avait condamné au crucifiement, ni aux grands prêtres qui l’avaient livré au gouverneur romain. Il ne s’est montré qu’àquelques disciples qui l’avaient connu avant sa mort et qu’il a chargés de proclamer qu’il est toujours vivant. Il a continué d’être pauvre, y compris dans sa victoire sur la mort.
Acceptons d’être les messagers démunis de sa résurrection. Aussi pauvres que Marie Madeleine et l’autre Marie dont la parole féminine n’avait pas de poids véritable. Aussi pauvres que les Onze, réunis plus tard en Galilée, dont certains eurent des doutes. Le message de Pâques est aussi fragile que celui de Noël. C’est dans sa fragilité qu’il trouve sa vérité. Dieu s’est fait pauvre en Jésus Christ. Nous sommes de pauvres et modestes témoins. Que cela ne nous empêche pas de mettre notre vie entre les mains de Dieu pour que, dans la lumière et dans les ténèbres, nous acceptions d’annoncer que Jésus est vivant, et de dire que nous croyons àla fraternité dont il a été le héraut, lui qui a voulu être, comme l’écrit saint Paul, « le premier-né d’une multitude de frères » (Romains 8, 29).ÂÂ
P. Michel Quesnel, prêtre de l’Oratoire àLyon