En mémoire de Claude Bottin, par Robert Dumont
En mémoire de Claude Bottin qui nous a quittés au milieu de l’été
Claude Bottin nous a quittés au milieu du mois d’août. Il avait atteint 86 ans, d’une vie bien remplie. Pédagogue de métier et plus encore de goût et de compétences, Claude était un éveilleur tant sur le plan scolaire pour les jeunes que sur le plan de la pensée et de la vie intérieure auprès de tous ceux qui croisaient sa route. D’abord comme chef scout puis comme professeur, enfin avec l’une des pièces maîtresses de sa vie qui a pris a forme d’une anthologie de Bérulle, le fondateur de l’Oratoire, si bien intitulée par lui : « Dieu si grand, Jésus si proche ».
Ce livre a une histoire qu’il m’est demandé de rappeler. Ayant vécu sa jeunesses dans l’orbite oratorienne comme surveillant au collège de Saint Lo pendant ses études de physique et mathématiques en vue de devenir enseignant, Claude était en même temps chef scout. Puis se fut une longue carrière de professeur dans différents pays d’Asie et d’Afrique. De retour en France comme retraité, il a repris contact avec l’Oratoire grâce à Bernard Meuret, un de ses anciens scouts devenu oratorien. C’est alors que Claude fut sollicité pour animer une session de la Communion oratorienne dont le thème était cette année là Bérulle. Le résultat en fut une énorme surprise en raison de la dynamique de sa présentation : non pas une « théorie » sur Bérulle, mais le recours à trois textes présentés d’une manière originale, tant au niveau du fond que de la forme.
Claude avait repéré dans l’œuvre volumineuse de Bérulle ces trois passages dont il a présentés chaque phrase découpée, proposition par proposition, ligne par ligne et justifiée au centre. Là où la rhétorique bérullienne et la densité de sa pensée le rendent difficilement accessible à première lecture, cette présentation nouvelle et le commentaire de ce qu’il en tirait pour sa vie personnelle nous le rendaient « si proche » !
Ce fut une telle réussite que nous fumes plusieurs à lui suggérer de continuer sa lecture de Bérulle et de le présenter selon la même méthode. Notre ami a mordu à l’hameçon sans se faire prier.
Claude a ainsi lu Bérulle de la première à la dernière ligne, ce qui n’était pas une sinécure. Il demanda seulement à quelques-uns d’entre nous qui étions ses amis lyonnais de relire ces textes au fur et à mesure qu’il nous les enverrait, en les notant de « A » à « D », selon l’adhésion que nous leur réservions. Il nous en a proposé plus de 150 dont nous avons retenu 140. Telle fut la première étape. Ce travail était déjà monumental.
La deuxième étape, celle qui devait conduire à la publication, supposait un autre type d’effort. Claude était tellement imprégné de Bérulle[1] qui lui semblait aller de soi de mettre les 140 textes les uns après les autres sans plus de présentation : tout au plus classés selon la chronologique des œuvres de Bérulle dont ils étaient tirés. Ce jour-là le pédagogue fut pris en défaut.
C’est alors que s’affina le travail d’équipe. Je lui fis comprendre, et progressivement admettre, qu’un livre devait se « construire » si l’auteur voulait être lu. Qu’il fallait doubler sa sélection et sa typographie d’un minimum de classement : en parties et en chapitres. L’opération n’allait pas de soi car, dans le style retenu par Claude, chaque texte valait pour lui-même. Mais aussi parce que la pensée de Bérulle relevant davantage d’une quête mystique que d’une théologie didactique, les thèmes se chevauchent les uns les autres tout en progressant à chaque nouvelle mouture. Mettre en place un « plan » ne pouvait être qu’un choix parmi d’autres possibles. D’autre part, la densité de cette pensée en continuelle recherche et la rhétorique bérullienne ne pouvaient se suffire à elles-mêmes et supposaient des éléments d’approche. Nous avons donc décidé de mettre, en vis-à-vis du texte lui-même (sur la page de droite), quelques lignes ouvrant l’esprit au sens de la page en question et des références bibliques qui entraient en résonnance avec elle (page de gauche).
Avons-nous réussi à rendre Bérulle abordable ? Nous pouvons l’espérer au moins un peu, car non seulement les Éditions du Cerf ont retenu immédiatement le manuscrit, mais le premier tirage (de 1 500 exemplaires ?) épuisé a du être complété par deuxième à l’occasion des 400 ans de l’Oratoire en 2011.
Cependant cette chronique ne serait pas suffisante si je ne signalais pas dans cette aventure ââ€â‚¬ car s’en fut une ââ€â‚¬ la présence aussi remarquable qu’efficace d’Anne, la femme de Claude. C’est elle qui a retapé sur son ordinateur tous les textes de Bérulle retenus par Claude et probablement bien d’autres qui n’avaient pas résisté à leur premier tri ; en même temps quelle en faisait la mise en page technique particulièrement soignée.
Merci à Claude, merci aussi à Anne.
Robert Dumont, prêtre de l’Oratoire.
[1] Petite anecdote lourde de sens. Un jour Claude appelle au téléphone la famille de l’un ou de l’une de ses enfants. C’est un petit fils qui décroche et qui, ne manquant pas d’humour, appelle ses parents en disant ; « Maman ou papa, c’est Bérulle ! ».