« Les Ministères aujourd’hui »
Un livre du Père Luc Forestier
À propos de la situation des laïcs dans l’Église catholique en France, certains ont parlé de « révolution silencieuse » pour décrire le contraste entre les bouleversements pastoraux qui s’opèrent et le grand calme qui entoure cette vaste reconfiguration du pouvoir. Ce rôle essentiel des laïcs, et très majoritairement des femmes, conduit àreposer la question des « ministères » dont on sait qu’ils ne se limitent pas àceux des ministres ordonnés. Faut-il donc valoriser l’apostolat des laïcs ou les ministères qui leur sont confiés ? Quelle place faire àl’évêque et àsa tâche de vigilance pastorale ? Comment articuler la mission des prêtres et celle des diacres ? Faut-il pousser les chrétiens engagés vers les « périphéries » ou, au contraire, les former et leur confier des missions pour faire vivre nos lieux d’Église? En écho aux propos récents du pape François sur le sujet, ce livre propose une remise àplat de toutes ces questions vives et urgentes.
Sœur Anne-Catherine, longtemps enseignante dans un établissement de la congrégation où elle s’est engagée il y a 15 ans, attend avec appréhension sa nouvelle mission, responsable de l’aumônerie d’un grand hôpital. En plus de la coordination d’une équipe diversifiée et des liens avec une administration hospitalière rétive, elle sait que la collaboration avec le prêtre a été parfois délicate.
Guillaume a appris avec surprise qu’il avait été choisi par le Pape pour un évêché dans un diocèse dont il ne sait rien, sinon qu’il est situé dans une belle région, marquée hélas par des difficultés économiques et sociales. De plus, le diocèse dont il sera pasteur propre a traversé quelques tempêtes qui ont laissé des traces.
Marie-Pierre avait commencé àaider pour le catéchisme de son aîné, puis a continué avec les deux autres. Au fil de formations diocésaines et d’expérience de collaboration en paroisse, elle a pris goût àces responsabilités, mais ne soupçonnait la conversation que lui réservait le vicaire général, venu pour la fête de l’école. Devenue « laïque en mission ecclésiale », elle s’est vite rendu compte que le rythme familial changeait, comme ses engagements dans le quartier, tout en (re)découvrant les joies et les contraintes des études, sous l’œil complice de ses enfants étudiants.
C’est bien un vrai « oui » qu’a prononcé Claire au moment de l’appel au diaconat de Thierry son mari, après un long cheminement ; et voilàque son mari et le père de ses enfants, déjàvêtu de l’aube, passe « de l’autre côté », dans le chœur, avec l’évêque, les prêtres et diacres, tandis que la place qu’il occupait àcôté d’elle reste vide. Les collègues de Thierry, dont certains semblent émus, comprennent vite que l’Église qu’ils imaginaient essentiellement masculine vit bien des apprentissages.
Pour Louis-Marie, quitter la vie de séminariste fut un vrai soulagement : l’espace confiné des lieux de formations ne lui convenait guère, et le voilàconfronté aux réalités d’un terrain pastoral, plus contrasté qu’il ne le pensait. Son curé ne le ménage guère, mais après plus de quatre ans àle côtoyer, ce qu’envisage l’évêque, c’est-à-dire la double responsabilité d’une paroisse et du service diocésain des jeunes, ne l’effraie pas, car il compte sur la collaboration avec des religieux-prêtres d’une communauté située non loin d’une des églises de sa paroisse.
Ces hommes et ces femmes, imaginaires mais tissés de figures réelles, sont en train de devenir ministres de l’Église catholique, dans une France en pleine évolution. Certains sont ministres ordonnés, recevant le sacrement de l’ordre, réservé aux hommes baptisés, devenant par l’ordination qui est toujours une consécration personnelle, évêque, prêtre ou diacre. D’autres, au titre du baptême reçu, reçoivent une mission ecclésiale d’une importance telle qu’on les considère comme d’authentiques ministres de l’Église, avec cette expression choisie en 2005 de « laïc en mission ecclésiale ». Dans la situation effective de l’Église en France, ce sont presque exclusivement des femmes, religieuses ou laïques, célibataires ou mariées, sans lesquelles l’Église ne pourrait tout simplement pas vivre aujourd’hui.
Comment comprendre ce qui est commun – le ministère – àcelles et ceux pour qui il est parfois temporaire, parfois définitif ? Pourquoi y a-t-il, dans les Églises chrétiennes, des hommes et des femmes qui ne sont pas simplement des chefs, comme dans tous les groupes humains, mais des « ministres » àqui une autorité singulière et diversifiée est reconnue ? Comment différencier l’engagement d’un chrétien, au titre du baptême reçu, dans un apostolat qui, parfois, peut être àl’intérieur même d’une communauté ecclésiale, et le « ministère laïc » reconnu par l’évêque, et délimité par une lettre de nomination ?
La théologie des ministères ne peut pas donner l’ultime réponse àces questions, et àd’autres encore, qui se posent àl’intérieur de la vie ecclésiale en France et dans d’autres pays du monde. Mais on peut attendre d’elle trois apports limités mais essentiels. Elle fournit des diagnostics, en les inscrivant dans une chronologie. Elle indique certaines ressources dont les Églises peuvent bénéficier, essentiellement fondées sur l’écoute d’une Parole vivante grâce àlaquelle ces Églises sont effectivement dirigées par le Christ ressuscité. Elle désigne enfin quelques potentialités, en sachant que l’autorité ultime est exercée, àl’intérieur de la communion ecclésiale, par les évêques, sous la présidence du pape, àqui un ministère singulier est confié.
L’objectif de ce livre est de donner quelques éléments dans ces trois domaines, diagnostics, ressources, potentialités. Il s’inscrit dans un débat ancien, dont les termes évoluent, et cherche àparticiper au discernement synodal en cours, ce qui appelle d’autres contributions, en particulier sur le plan œcuménique.
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Oratorien, le père Luc Forestier est directeur de l’IER (Institut supérieur de sciences religieuses) àl’Institut catholique de Paris. Il a publié chez Salvator, avec Mgr Jean-Paul Vesco et le père Dominique Gonnet, La liberté religieuse en question (2014).