Singulière semaine que celle qui commence ce dimanche. Elle est dite « sainte » et tout entière dédiée àfaire mémoire de ce qui fut vécu, jadis, par Jésus àJérusalem : au terme d’un parcours de plus ou moins trois ans, après une parodie de procès, ce Galiléen qui n’était pourtant coupable de rien, finissait sa course crucifié entre deux larrons. Fin d’une histoire qui aurait pu être belle !
Mais ày regarder de près, le « jadis » ne convient pas. Et pas davantage le mot « fin » d’ailleurs. En effet, ceux et celles qui se réclament encore du Nazaréen et font mémoire de lui, ne passent pas cette sainte semaine àregarder vers le passé. Tout au contraire : ils vivent au présent et se remémorent avec recueillement ce qui fut dit alors et demeure dit encore aujourd’hui par celui qui s’est fait leur frère en humanité et qu’ils reconnaissent comme leur Seigneur et leur Dieu.
Au centre de tous et de chacun des moments de cette semaine : Jésus, le Nazaréen. Un homme parmi les hommes qui a passé « en faisant le bien » et en invitant tout un chacun àle faire aussi, chacun àsa mesure. Un homme venu dire et redire que Dieu « ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive ». Un homme venu au devant de tous pour les nourrir et les guérir. Simplement aussi pour leur parler et les rencontrer car « l’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » – et Dieu parle aussi par le frère ou la sÅ“ur… Un homme, un prophète « et plus qu’un prophète » venu dire, inlassablement, la vérité du Dieu-amour au nom duquel il parle. Un Dieu qui, par amour, consent àépouser toute la fragilité et même la mortalité de l’humanité…
Pour magnifique qu’elle soit, la proposition de ce jeune rabbi n’est pas passée : ciblé par les autorités du Temple, lâché par la foule et même par les siens Jésus se retrouve seul face àl’inéluctable : sa propre mort. Pour autant, il ne flanche pas. Il ne se dérobe pas. Il ne revient sur rien de ce qu’il a dit ou fait au nom du Dieu-amour. Il scelle son témoignage par la mort sur la croix. Entre cri et silence, il redit, dans sa toute-fragilité, le message que toute sa vie et son action ont porté.
La Croix : sceau du témoignage du Nazaréen. La Croix : point de non retour d’un amour qui ne se paie pas de mots : « il n’y a pas de plus grand amour que celui-ci : donner sa vie pour ses amis » (Jn 15, 13). Mais le Christ meurt aussi pour ses ennemis. Au vrai, il meurt pour tous : Pierre, Jacques, Jean, Marie-Madeleine, mais aussi Judas, Caïphe, Pilate, et même Marie, sa Sainte Mère et vous et moi… et tant d’autres. Tous ! La croix : moment de dénuement extrême et de communion avec tous les dénuements et dérélictions que l’humain peut connaître. Mais il y a plus et il faut y insister.
Si la croix est un point de non retour, elle n’est pas la fin de l’histoire ! Elle est le premier moment de l’unique geste par lequel Jésus sauve ses frères et sœurs en humanité. Au-delàde la croix, il y a le tombeau vide et le jardin du matin de Pâques. Entre les deux, il y a l’insaisissable mystère de la résurrection, de la mort traversée et vaincue : « Si, de ta bouche, tu confesses que Jésus est Seigneur, et si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, tu seras sauvé » (Rm 10, 9).
La semaine sainte est toujours un rendez vous de vérité : si le Christ « désire d’un grand désir » manger sa Pâque avec nous et sceller son témoignage d’amour par l’offrande de sa vie, sommes-nous, quant ànous, prêts ànous laisser inviter par lui àle suivre dans cette épreuve de l’amour qui ne se paie pas de mots ? Épreuve coûteuse sans doute : notre cœur n’est pas le cœur de Dieu. Mais source de vie aussi. La poésie des jours de la semaine sainte est saisissante. Elle reconduit àla source de la foi des disciples du Christ : le Seigneur est MORT & RESSUSCITÉ POUR TOUS.
Gilles-Hervé Masson, dominicain, vicaire àSaint-Eustache