Des Oratoriens méditent la Bible. Jean-Marie Martin (10.04.2017)
Première lecture du lundi 10 avril 2017
Première lecture du lundi 10 avril 2017
Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu en qui mon âme se complaît. J’ai mis sur lui mon esprit, il présentera aux nations le droit. Il ne crie pas, il n’élève pas le ton, il ne fait pas entendre sa voix dans la rue ; il ne brise pas le roseau froissé, il n’éteint pas la mèche qui faiblit, fidèlement, il présente le droit ; il ne faiblira ni ne cédera jusqu’àce qu’il établisse le droit sur la terre, et les îles attendent son enseignement. Ainsi parle Dieu, Yahvé, qui a créé les cieux et les a déployés, qui a affermi la terre et ce qu’elle produit, qui a donné le souffle au peuple qui l’habite, et l’esprit àceux qui la parcourent. « Moi, Yahvé, je t’ai appelé dans la justice, je t’ai saisi par la main, et je t’ai modelé, j’ai fait de toi l’alliance du peuple, la lumière des nations, pour ouvrir les yeux des aveugles, pour extraire du cachot le prisonnier, et de la prison ceux qui habitent les ténèbres. »
Isaïe 42, 1-7
Ce chapitre 42 d’Isaïe est le premier des quatre chapitres présentant le « Chant du Serviteur ». Il retrace l’apparition d’un mystérieux personnage que l’on configure au Peuple d’Israël, mais les chrétiens vont très vite y voir le Christ, àcause de la dimension salvatrice de cette mission divine, qui nous est présentée déjàdans cette première page du chant, mais davantage encore dans la quatrième, laquelle prend toute son actualité en cette Semaine Sainte, puisqu’il s’agit du « Serviteur souffrant.» La similitude avec le Christ est saisissante.
Quelqu’un qui entendrait parler du « chant du serviteur » sans savoir de quoi, ni de qui il s’agit, pourrait l’orthographier comme suit, se fiant àla seule phonétique : le « champ du Serviteur ». Cet auditeur néophyte associerait ainsi le serviteur au travail et non pas àla musique, car un serviteur, penserait-il, ça travaille, ça ne chante pas.
Péguy nous dit le contraire : De mon temps tout le monde chantait. Dans la plupart des corps de métiers on chantait. Et qui d’entre nous n’a pas entendu chanter de bon cœur tel ou tel artisan ! Mais confondre, àl’audition, le chant et le champ, permet l’illustration de l’un par l’autre, quand on sait quelle vigilance de tous les instants demande le champ du Royaume, champ àdépierrer, désherber, retourner, labourer, ensemencer, arroser, moissonner… Il y a fort àfaire pour suivre le Christ sur son chemin, qui est de ne pas briser le roseau froissé, ne pas éteindre la mèche qui faiblit, œuvrer pour le droit et la justice, ouvrir les yeux des aveugles, extraire du cachot le prisonnier, et de la prison ceux qui habitent les ténèbres. Quand le Champ produira une multitude de fruits, alors le Serviteur pourra entonner son Chant, le cœur trop plein !
Jean-Marie Martin, Prêtre de l’Oratoire àSaint-Eustache, Paris