Des Oratoriens méditent la Bible. Luc Forestier (20.06.2018)
Première lecture du mercredi 20 juin 2018
Première lecture du mercredi 20 juin 2018
Première lecture du mercredi 20 juin 2018
Voici ce qui arriva lorsque le Seigneur enleva Élie au ciel dans le tourbillon : Élie et Elisée partirent de Gilgal […] Élie lui dit : « Reste donc ici, car le Seigneur m’envoie au Jourdain » ; mais il répondit : « Aussi vrai que le Seigneur est vivant et que tu vis toi-même, je ne te quitterai pas ! » et ils s’en allèrent tous deux. Cinquante frères prophètes vinrent et s’arrêtèrent àdistance, au loin, pendant que tous deux se tenaient au bord du Jourdain. Alors Élie prit son manteau, le roula et frappa les eaux, qui se divisèrent d’un côté et de l’autre, et tous deux traversèrent àpied sec. Dès qu’ils eurent passé, Élie dit àElisée : « Demande : Que puis-je faire pour toi avant d’être enlevé d’auprès de toi ? » Et Elisée répondit : « Que me revienne une double part de ton esprit ! » Élie reprit : « Tu demandes une chose difficile : si tu me vois pendant que je serai enlevé d’auprès de toi, cela t’arrivera ; sinon, cela n’arrivera pas. » Or, comme ils marchaient en conversant, voici qu’un char de feu et des chevaux de feu se mirent entre eux deux, et Élie monta au ciel dans le tourbillon. Elisée voyait et il criait : « Mon père ! Mon père ! Char d’Israël et son attelage ! » puis il ne le vit plus et, saisissant ses vêtements, il les déchira en deux. Il ramassa le manteau d’Élie, qui avait glissé, et revint se tenir sur la rive du Jourdain. Il prit le manteau d’Élie et il frappa les eaux en disant : « Où est le Seigneur, le Dieu d’Élie ? » Il frappa les eaux, qui se divisèrent d’un côté et de l’autre, et Elisée traversa.
Deuxième livre des Rois, 2, 1.6-14
Pour ces versets essentiels de la transmission prophétique, plusieurs interprétations cohabitent sans se contredire. Des éléments historiques sont nécessaires, non seulement pour mesurer le cadre narratif qui est constitué, mais aussi pour tenter de comprendre les enjeux des rédacteurs et des lecteurs que nous sommes. Voilàqu’un vieux texte, inlassablement transmis et médité jusqu’àaujourd’hui par le peuple d’Israël, est proclamé au cœur du rassemblement chrétien, afin d’être assimilé par celles et ceux qui communient par làau Verbe fait chair en Jésus-Christ.
Bien des éléments viennent pourtant heurter le sens commun et obligent àdépasser cette interprétation historique, pour entrer dans le geste même qui est proposé. Le texte biblique n’est jamais séparable de la relation qui justifie son existence. Nous ne croyons pas en Dieu parce que nous lisons la Bible. Nous recevons la Bible comme Parole de Dieu parce que nous participons àl’assemblée constituée par le Repas du Seigneur.
Il y a donc une mise en abyme, comme sur les boîtes de certain fromage fondu, fabriqué àpartir de vaches heureuses, dotées de boucles d’oreille !
Le geste de transmission d’Elie àElisée, ce manteau qui descend d’en haut et ne sert qu’àouvrir les eaux du Jourdain, ne désigne pas uniquement un événement historique, d’ailleurs inaccessible. Il ne s’agit pas non plus d’un contenu uniquement littéraire qui rejoint la joie de la lecture et de la communion, àdistance, entre auteur et lecteurs. Le geste déploie exactement ce que la liturgie met en œuvre, c’est-à-dire la transmission d’une parole qui prend la forme d’un vêtement pour couvrir la nudité de nos existences, qui prend aussi la forme d’un outil pour ouvrir ce qui semble fermé. C’est uniquement àl’intérieur de la vie liturgique d’Israël et de l’Église que l’on expérimente ce que le récit propose.
Pourtant, pour recevoir le manteau et l’instrument de la Parole, il y a une condition décisive qu’indique discrètement la répétition du geste d’Elisée qui, àdeux reprises, frappe les eaux. Une question brûlante doit nous habiter, « où est-il ton Dieu ? » N’en rester qu’au geste extérieur ne produira rien sans ce feu intérieur qui est l’œuvre de l’Esprit.
Luc Forestier, prêtre de l’Oratoire àParis