La sortie de plusieurs ouvrages sur la place des femmes dans l’entourage de Paul tente de rétablir la vérité sur son rapport aux femmes, plutôt ouvert, dans une société au contraire très patriarcale. Est-ce qu’une meilleure connaissance des premiers temps de l’Eglise où les femmes ont eu des responsabilités (en tout cas dans l’entourage de Paul) peut changer le regard de l’Eglise actuelle ?
A.G. : Oui, car on a instrumentalisé la réflexion de certains grands penseurs qui ont édifié les bases théologiques de la foi chrétienne. Paul en fait partie, ses textes ont pu justifier des constructions institutionnelles et politiques de l’Eglise. Identifier les textes qui sont réellement de la main de Paul, rétablir une traduction rigoureuse, permet de comprendre qu’il y avait une pluralité, une liberté et une spontanéité importante dans les premières communautés chrétiennes. Quand l’Eglise s’est institutionnalisée, il y a eu une volonté d’homogénéiser les situations entre ces communautés. La charge révolutionnaire de l’affirmation de Paul qu’il n’y a pas de différence de dignité aux yeux de Dieu entre les humains, quelles que soient leurs conditions sexuées, sociales, ethniques, etc., comme le rappelle Michel Quesnel, s’est émoussée lorsque l’Eglise s’est constituée en institution.
M. Q. : De plus grandes responsabilités pourraient être confiées aux femmes si on tenait compte des textes de saint Paul. Paul, comme Jésus, ont été l’un et l’autre beaucoup plus ouverts aux femmes que leurs contemporains. Il est fort regrettable que la pression sociale ait exclu les femmes au moment où l’Eglise s’est organisée avec uniquement des fonctions masculines, établissant une certaine condition d’infériorité des femmes, qui n’existe pas pour Paul. Après sa conversion, il est parti chez les Nabatéens, en Arabie Pétrée, où il restera trois ans, or c’est une société où les femmes avaient plus de droits que dans les autres parties de la Méditerranée. Il est très probable que cela ait changé son regard sur les femmes.
Qu’en est-il des femmes dans la théologie et la liturgie ?
M.Q. : Je pense que nous avons encore beaucoup de progrès àfaire dans la réflexion pour donner aux femmes la place qu’elles méritent dans la vie ecclésiale. L’Eglise aurait besoin d’un regard plus féminin, les femmes sont souvent du côté du cœur, or on manque de cœur dans l’Eglise et la sensibilité féminine fait cruellement défaut, saint Paul peut être un bon modèle dans ce sens. Souhaitons àla théologie féminine de beaux jours !
A.G. : Le sexisme se voit autant dans les traductions faites de la Bible, que dans les choix liturgiques, ou dans la théologie passée ou contemporaine (pensons seulement àla « théologie du corps » de Jean Paul II). Si on regarde la différence entre les textes du lectionnaire et leur version complète, on est parfois stupéfaite par les coupures qui sont faites dans les psaumes lus àla messe, dans lesquels sont effacés les versets qui représentent les femmes de manière virile. Cette mise au rabais systémique des femmes est autant de rendez-vous manqués entre l’Évangile, l’institution et les croyantes. Cela met en péril l’avenir même de l’Eglise. Que deviendront dans 20 ans toutes ces missions de relais de l’Eglise assurées par des femmes, si l’Eglise ne leur reconnaît pas des possibilités égales ? Alors qu’il y a une telle liberté dans l’Evangile…