Pourquoi s‘intéresser aujourd’hui àPhilippe Néri ?
Par Xavier Debelleix
Pourquoi s‘intéresser aujourd’hui àPhilippe Néri ?
Pour bien des raisons certainement. Mais essentiellement, je le crois, àcause de son style de vie véritablement prophétique, et de sa capacité d’adaptation pour annoncer la bonne nouvelle en se recentrant sur l’essentiel, c’est-à-dire l’évangile qui transforme la vie, tout cela dans un monde et une église en crise profonde et en grande mutation. Or c’est bien ce qui nous arrive ànous aussi aujourd’hui !
Son siècle a connu de multiples bouleversements comme l’agrandissement du monde avec la découverte de nouvelles terres et de nouvelles cultures, et une nouvelle compréhension de l’univers avec Copernic surtout, Galilée. Expansion géographique, explosion démographique, place de plus en plus grande de l’économie, des capitaux et de l’argent. Aujourd’hui, notre monde est marqué par de nombreuses crises géopolitiques, par la mondialisation et le poids généralisé de la finance. Aux grandes mutations liées aux découvertes génétiques, numériques sont venues s’ajouter de graves crises sanitaires, économiques, sociales, migratoires, dans un contexte sociétal marqué par le terrorisme et la peur de l’étranger, surtout s’il vient de l’Islam. Ces bouleversements, qui affectent pour la première fois l’ensemble de la planète, rendent caduques et inopérants les moyens de défense et de réponse habituels, en même temps que l’ensemble des institutions (politiques, économiques…) sont remises en question, y compris évidemment les institutions religieuses, quelles qu’elles soient.
Philippe a vécu au sein d’une institution ecclésiale en crise, comme si les rites, les enseignements, ne répondaient plus aux attentes des gens, avec de nombreux scandales et une institution figée, hautaine, loin des petits et des pauvres. Aujourd’hui, on le sait bien, notre église va mal : scandales de tous ordres, écart de plus en plus marqué avec la culture contemporaine, églises qui se vident et chrétiens qui s’éloignent. Philippe Néri était un homme libre (vis-à-vis de l’institution officielle, du pouvoir politique, du « qu’en dira-t-on »), joyeux, passionné de l’essentiel, c’est-à-dire de la rencontre de Jésus. Il était au plus près des gens, surtout les enfants, les petits, les pauvres, la journée dans les rues, et la nuit en prière, partageant cette passion pour Jésus avec les laïcs qui l’entouraient.
Notre héritage oratorien pourrait – devrait ! – susciter des femmes et des hommes qui, comme Philippe Néri, regardent la réalité en face, sans fuite ni découragement, cultivant la vraie liberté, centrés sur l’essentiel – Jésus, sa vie, son évangile- et vivant en sympathie avec ce monde, acteurs d’une église « dépoussiérée » fondée sur le sacerdoce commun des baptisés, (Vatican II), cherchant àêtre crédibles pour nos contemporains, par leur style de vie et leur parole sur les sujets complexes du notre monde actuel. Autrement dit : une certaine façon de voir et de vivre dans le monde, dans l’Eglise, d’être en relation avec ceux vers qui nous sommes envoyés, libres et joyeux.
Xavier Debelleix, diacre àBordeaux, membre de la Communion Oratorienne, session du 12 novembre 2021 àLyon