J’ai été ordonné prêtre àSaint-Eustache il y a cinq ans, le 4 juin 2011, pour le service de l’Eglise.
Cinq ans de rencontres, de découvertes, de remises en question, d’émerveillement souvent devant les signes presque invisibles de cet Evangile que les chrétiens annoncent ensemble.
Lorsqu’on prend le pouls de notre société, des débats qui l’agitent, des inquiétudes qui s’y font sentir, on peut vite être happé par tant de questions, relayées àl’infini par les conversations, les media, les réseaux sociaux, et certaines de ces questions concernent bien sûr la place du religieux dans la marche de l’histoire ou dans l’« actualité » : critique des monothéismes, énièmes débats sur la laïcité, dialogue ou non avec l’islam, rôle du Pape François sur la scène internationale, réforme ou non de la Curie romaine, déclin de la pratique religieuse ou des vocations, scandales sexuels concernant des clercs, malaise lié àla difficile adaptation des institutions catholiques au monde moderne, place des femmes dans l’exercice de l’autorité au sein des Eglises, crise de la transmission ou de l’engagement, attentes spirituelles diffuses comme antidote au matérialisme… Tout cela peut s’avérer vertigineux ou asphyxiant, gigantesque caverne où les opinions les plus contradictoires s’échangent tour àtour.
La vie quotidienne d’un prêtre est tout autre (Dieu merci !) : le prêtre n’est ni un « vaticaniste », ni un « coach spi », ni même un expert de l’histoire ou de la sociologie de son Eglise. Ni fonctionnaire ni « free lance » (excusez tous ces mots anglais…). Il est amené àfréquenter la parole de Dieu, comme tout baptisé, avec la responsabilité de la faire résonner (c’est le sens du mot catéchisme), d’en réveiller un peu le sens ou la saveur. Il est amené àcélébrer les sacrements qui donnent àl’Eglise du Christ sa présence et sa croissance : il rencontre alors ses frères àdes étapes cruciales de leur vie. Il organise, anime, écoute beaucoup et c’est probablement ce qu’il a àfaire de mieux, même s’il doit aussi annoncer, conseiller et accompagner. Il essaie enfin d’être un homme de prière, témoin de quelque chose d’autre que lui-même. Pour tout cela je rends grâce avec vous car ma vocation presbytérale et oratorienne s’est incarnée en grande partie dans ce lieu si riche et si complexe qu’est la paroisse de Saint-Eustache. « Làoù est l’esprit du Seigneur, làest la liberté » (2 Co 3).
Jérôme Prigent, prêtre de l’Oratoire