Quand célébrer le mystère de la foi ouvre àl’étonnement
par Antoine Adam, prêtre de l’Oratoire
Depuis septembre 2021, je suis au service des communautés des Lilas et du Pré-Saint-Gervais dans le diocèse de Saint Denis en France. Chaque lieu, chaque espace liturgique pensé par des chrétiens dans l’histoire, apporte une note, une couleur supplémentaire dans la découverte de ce mystère pascal que les baptisés ne cessent de scruter, méditer, prier en le célébrant.
En arrivant aux Lilas, j’ai découvert la nouvelle église Notre Dame du Rosaire consacrée en 2011.
Le jeu de la lumière est important dans la construction des églises, car il cherche comme tous les arts au service de la liturgie, àdonner àvoir le mystère de la présence de Dieu. Ici l’espace de la nef est baigné d’une lumière se diffusant par le haut de manière indirecte, si bien qu’on ne peut en voir la provenance. Nous ne voyons pas la source divine, mais ces effets dans notre histoire. Quelques trouées dans le mur sud apportent des notes de couleurs par des vitraux discrets, làoù quatre panneaux, inspirés par les œuvres de Fra Angelico, évoquent les mystères du rosaire : la prière de Marie, si réceptive au mystère de l’incarnation.
C’est du côté de l’est, vers l’orient qu’est orientée l’assemblée, où tous célèbrent la mort et la résurrection de Jésus-Christ.
Au centre, l’autel d’où est célébré le mémorial, la Pâques du Christ.
A sa gauche la croix glorieuse articule mort et résurrection, ténèbres et lumière, tandis que nous voyons àsa droite, sur le mur du fond, le Christ en gloire montant vers le Père.
Ces trois signes visuels s’articulent pour entrer dans la dynamique d’un même mystère : le Christ monte vers le Père qui nous est invisible, en s’effaçant de notre espace-temps marqué par la mort.  Son corps marqué par la violence de la Passion, nous invite àla confiance avec ces deux paumes ouvertes. Les pans de son vêtement, épars comme des morceaux de puzzle, semblent, comme par un souffle montant du bas vers le haut, en voie d’unification. Ce Christ nous parle de nous, de notre humanité déchirée, perdue dans le fracas des injustices ou de forces contraires… Sa Pâques unifie ce qui échappe ànotre emprise, le mystère de notre humanité une et plurielle inséré dans ce cosmos vertigineux. Par sa manière d’être, d’entrer en relation, le Christ nous a ouvert le chemin, vivant et véritable menant vers le Père, vers ce monde où tout ce qui existe converge dans la reconnaissance de l’autre.
Un jour que je célébrais un baptême au cours de la messe, au milieu de la nef et de l’assemblée, puisque c’est làqu’est placé le baptistère, j’ai été éveillé par une réalité que je n’avais pas suffisamment relié au mystère :  celle des couleurs émanant des personnes vivantes.  En effet, dans l’ensemble de l’espace de l’église, le blanc et des nuances de gris dominent.  Le sol, le mur du chœur, sur trois mètres de haut, ainsi que la partie basse du mur sud, sont pavés de pierres offrant des dégradés de gris, de brun et de vert. Le mobilier offre des teintes de bois clair ou plus foncé. Il y a peu de couleurs vives, sauf du côté sud par la lumière traversant les vitraux. La lumière traversant la matière… Mystère de l’incarnation du Verbe de Dieu prenant chair en notre histoire.
C’est donc en célébrant que j’ai remarqué que les couleurs de « l’église » n’étaient pas àchercher dans les objets, mais chez les personnes.
Dans le département du 93, les couleurs de peaux sont très diverses, noire profond comme en Centrafrique, plus cuivrée en Martinique ou dans les iles des Caraïbes, autre encore pour le Maghreb ou l’Asie, blanc pâle ou plus ensoleillé selon les saisons pour les vieux européens … L’espace liturgique met en valeur cette polyphonie de couleurs, que l’assemblée célébrant le mystère pascal dévoile…
Les baptisés, communiant au mystère, révèlent que le Corps du Christ n’est pas blanc pâle ou crème ; il est coloré au possible et dit la créativité inouïe qui se dégage du monde vivant.
Oui, j’aime bien en célébrant avec mes frères et sœurs, regarder le corps coloré du Christ. Il nous fait sortir des pensées pâles, uniformes, tristes par leur manque d’aération, d’ouverture àla vie vivante. Il nous appelle àne pas cacher nos caractères et la singularité de nos personnalités appelées às’unifier dans la rencontre de l’autre et des autres.
Merci aux paroissiens qui ont, avec leurs pasteurs, permit cet espace et qui viennent l’habiter pour vivre ensuite ce qu’il célèbre ! Notre monde a besoin de cette espérance colorée, inventive et joyeuse.
Antoine Adam, prêtre de l’Oratoire de France àNotre Dame du Rosaire.