« Quasimodo » Ã la Nuit du Handicap. L’édito de la semaine
Quasimodo se dresse vivement. Il vient d’être réveillé par la musique qui s’élève du parvis de Notre-Dame. Effrayé, il découvre un univers sonore qui lui est étranger. Hébété, il porte les mains sur ses oreilles. Lui qui est sourd depuis des années, àcause des sonneries de cloche dont il a la charge, voilàqu’il entend ! Il croit rêver. Mais le pincement qu’il inflige àson bras lui confirme le contraire. Il a retrouvé le sens de l’ouïe ! Un miracle ! Premier miracle de la soirée ! Il quitte son perchoir dans la tour et descend en hâte les escaliers de pierre en colimaçon pour rejoindre le parapet qui surplomb la place. Il se penche en s’agrippant fermement au col d’une gargouille cornue. À ses pieds se déroule une fête joyeuse et colorée, une banderole annonce qu’il s’agit de la première « Nuit du Handicap ». Lui qui est bossu et boiteux depuis toujours se dit alors qu’il a sa place en bas, et que pour une fois, il ne sera pas montré du doigt, moqué, méprisé, ridiculisé.
Une fois arrivé au pied de la cathédrale, il éprouve le tournis, que de monde en liesse ! Il se faufile entre les stands parsemés de loin en loin, attractions, jeux, parcours d’initiation en fauteuil roulant pour les valides, grimpette aux arbres en nacelle, fabrique de buste 3D avec ordinateur, vente de bouquins, revues, et maintes boissons, gâteaux, cocktails de fruits, gaspacho, fabriqués par les personnes handicapées… Et puis, un énorme podium au pied de la cathédrale, laquelle constitue un décor unique et hors d’âge, et là, sous les projecteurs, s’enchaînent fanfare, mimes, danses, sketches, slam, gym, chants, théâtre… Et tout ça, tout ça, ce sont des personnes handicapées qui le proposent et l’exécutent ! Quasimodo est sidéré, bouleversé. Il sent son cÅ“ur gonflé d’émotion, des larmes remplissent ses yeux. Il avait des idées complètement erronées sur le handicap. Outre sa bosse et sa claudication, il découvre que son plus gros handicap était certainement de juger, de mépriser ces gens, et surtout, d’en avoir peur ! Ils vont se charger de changer son cÅ“ur au cours de cette soirée de fête. Second miracle ! C’est la fête des personne handicapées, mais aussi celle de tous les “valides†qu’ils vont transformer àleur approche. Quasimodo saute de joie, il ressent de l’amour pour tous ces gens qui le regardent avec douceur, intérêt, qui le saluent, lui sourient, cherchent sa main. Il voudrait les serrer dans ses bras, leur dire merci, leur dire combien ils sont importants et combien leur place est unique et source de fruits et de joie pour les biens-portants… Nuit du Handicap, Nuit de Grâce…
Jean-Marie Martin, oratorien, vicaire de Saint-Eustache
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