On a si vite fait d’oublier que le monde est plus vaste et autrement divers que ce que nous disent nos horizons habituels. La routine peut étrécir le regard et la sécurité du familier anesthésier la curiosité. Quel dommage ! Il fait bon se dépayser de temps en temps ! D’autant plus qu’il n’est pas nécessaire d’aller loin pour ouvrir son horizon. Le petit voyage de ce dimanche au séminaire russe Sainte-Geneviève àEpinay-sous-Sénart c’est un peu ça : une sortie de nos routines, une fenêtre ouverte sur la vaste, complexe, riche et diverse réalité de l’unique Eglise du Christ. Mais c’est vrai : cette unité, aux manifestations et expressions si diverses, souvent nous échappe…
Par exemple : en rencontrant, ces derniers mois, des frères et des sœurs de l’Eglise d’Irak, l’assemblée de Saint-Eustache a déjàeu l’occasion de prendre toute la mesure de l’ignorance où nous sommes les uns des autres. Et ce alors que nous avons part àla même table eucharistique, non seulement dans l’unité de la foi mais aussi dans une communion institutionnelle sans faille puisque tous nous dépendons de l’autorité du pape de Rome. Qu’en sera-t-il alors de la rencontre avec la communion des Eglises orthodoxes ? Elles nous sont des Eglises sœurs avec lesquelles nous confessons le même Christ mort et ressuscité. Mais ici, comme avec d’autres Eglises, pas de partage eucharistique de part et d’autre, alors que nous partageons substantiellement la même foi ! C’est une grande tristesse partagée, que la table eucharistique ne nous soit pas commune. C’est une situation douloureuse aussi et un sévère contre-témoignage : quel crédit accorder aux Chrétiens, àdes gens qui se réclament du Christ et ne sont pas capables d’honorer son commandement : « Aimez-vous les uns les autres », ni de partager le repas fraternel : « Faites ceci en mémoire de moi » … ?
De différends historiques en différences culturelles on a tôt fait de devenir étranger les uns aux autres – tout chrétiens qu’on soit…  Il n’est jamais trop tard pour le bonheur des retrouvailles et le témoignage rendu ensemble àl’unique Evangile du Christ.
Il est ainsi des situations inacceptables auxquelles on a fini par s’habituer, comme si les déchirures de l’histoire avaient le dernier mot. Heureusement la résignation n’est pas obligatoire ! Jean-Paul II n’a cessé d’appeler de ses vœux une Eglise « qui respire de ses deux poumons » (l’oriental et l’occidental). Plus près de nous, tout récemment, le pape François, àson tour, formait avec le patriarche Bartholomée, le vœu d’une communion pleine et effective. La rencontre avec le patriarche Cyril de Moscou, àCuba, regardait dans la même direction.
Ce désir affirmé d’unité n’est pas un rêve ou une utopie, il n’est que fidélité au Christ lui-même. Le mouvement œcuménique a été porté par l’intuition simple, mais incontestable, que ne peuvent rester vains et tenus en échec, par la faute de nos étroitesses humaines, le vœu et la prière du Christ « que tous soient un » en Lui. De différends historiques en différences culturelles on a tôt fait de devenir étranger les uns aux autres – tout chrétiens qu’on soit…  Il n’est jamais trop tard pour le bonheur des retrouvailles et le témoignage rendu ensemble àl’unique Evangile du Christ.
Gilles-Hervé Masson, dominicain, vicaire de Saint-Eustache