L’Oratoire de France regroupe des pêtres vivant en communauté, sans prononcer de vœux de religion. Il s’agit d’une société de vie apostolique de droit pontifical.
Il se consacre à des activités apostoliques diverses : éducation de la jeunesse, paroisses, recherche intellectuelle, aumôneries spécialisées.
Fondé à Rome en 1575 par Saint Philippe Néri, l’Oratoire a été introduit en France au XVIIe siècle par Pierre de Bérulle, initiateur de « l’Ecole française de spiritualité » Dissous en 1792, l’Oratoire a été restauré en 1852.
Il regroupe actuellement 19 membres présents notamment à la paroisse Saint-Eustache à Paris et dans quatre établissements scolaires.
A propos de "L’Ecole française de spiritualité"
« On parle de « l’esprit de l’Oratoire ». Un esprit se vit plus qu’il n’est facile à définir, au point que, lorsqu’on interroge les oratoriens sur ce point, la plupart d’entre eux hésitent à répondre. Et pourtant certains historiens qui ne sont pas membres de la congrégation en reconnaissent l’importance dans l’histoire de la spiritualité en France et distinguent sa spiritualité de celle des autres ordres, par exemple celle des bénédictins, des franciscains, des jésuites, etc. Aussi, de nombreuses études sont consacrées à ce qu’il est coutume d’appeler, non sans ambiguïté, « l’École française de spiritualité », née au XVIIe siècle avec et à la suite de Pierre de Bérulle. Elle regroupe les oratoriens, mais aussi les eudistes, les sulpiciens, les lazaristes et bien d’autres familles religieuses d’hommes et de femmes qui se réclament de cette tradition bérullienne.
Retenons deux études particulièrement significatives : Henri Bremond et son incontournable Histoire littéraire du sentiment religieux en France (1923-1933) qui a remis en valeur cette école de spiritualité dite « École franÇaise » ; et, plus récemment, Yves Krumenacker, « L’École franÇaise de spiritualité. Des mystiques, des fondateurs, des courants et leurs interprètes (Le Cerf, 1998) », fruit d’un séminaire de recherche qui s’est tenu à Lyon de 1990 à 1997.
Parallèlement, le Père Dujardin, Supérieur général de 1984 à 1999, et un groupe de spécialistes ont entrepris et mené à bien une édition complète et critique des œuvres de Bérulle, publiée elle aussi aux Éditions du Cerf, qui les rend ainsi accessibles (11 volumes parus à ce jour, dont 3 sur 4 de correspondances). »
Texte extrait des « Grandes figures de l’Oratoire » de Gilbert Caffin, paru en 2013 aux Editions du Cerf.
Voici quelques valeurs ou attitudes que recherchent les oratoriens :
En sympathie avec le monde
Il ne s’agit pas d’une admiration naïve à l’égard de tout ce qui constitue le monde. Après tout, l’Evangile est aussi sa contestation et une perpétuelle invitation à le dépasser. Etre en « sympathie », c’est « ressentir avec ». C’est donc ici participer aux peines du monde comme à ses joies, c’est entrer avec lui dans ses problèmes et ses espoirs, et les porter avec lui. Cela demande une insertion vécue dans le nœud de ses relations, sans quoi la foi devient irréelle et insignifiante. Et puis, après tout, « la nature est de Dieu », il faudrait beaucoup de suffisance pour la mépriser.
« Il nous faut accueillir ce monde tel qu’il est. Vivre par sympathie ses idées, ses aspirations, ses illusions. Nous mettre avec lui dans le rang pour faire œuvre scientifique et philosophique. Nous poser la question qu’il se pose. Sentir les difficultés auxquelles il se heurte. Souffrir ses doutes et porter le poids de ses négations. C’est en nous laissant pénétrer par lui et en cherchant avec lui, que nous pourrons l’amener à retrouver, avec nous, le sens du christianisme qu’il a perdu. Le Christ nous a communiqué sa vérité en partageant notre humanité. » (Lucien Laberthonnière, 1905)
Le respect de la personne humaine
On donnait beaucoup d’importance aux autorités et la soumission était une valeur reconnue. Mais la liberté, l’égalité et la fraternité semblent plus conformes à la dignité humaine. C’est la reconnaissance de la personne en son irréductible originalité. Ainsi, l’éducation cultive la prise en charge par eux-mêmes des personnes et des groupes, ce que faisaient déjà les collèges oratoriens du XVIIe siècle. Etre homme, c’est être libre et faire en sorte que les autres le soient. « Régir une âme, c’est régir un monde, un monde qui a plus de secrets et de diversités, plus de perfections et de raretés que le monde que nous voyons « . (Pierre de Bérulle, fondateur de l’Oratoire)
« L’école n’est pas seulement un lieu de transmission du savoir, mais un lieu de communication des consciences. » (Pierre Dabosville)
« N’oublions jamais qu’un enfant n’est la chose de personne. Il n’est pas question de le dominer et, en le dominant, de le façonner comme une matière ou de le dresser comme un animal. Il s’agit de le servir pour, en partant de ce qu’il est et en suscitant ses énergies, l’aider à devenir ce qu’il doit être. » (Lucien Laberthonnière)
L’attitude oratorienne est faite de présence prévenante ; elle respecte le cheminement des consciences.
Un effort d’intelligence et de culture
Pour « vivre avec », un véritable travail est indispensable, dans une double fidélité :
– Au monde, par une analyse rigoureuse des conditions concrètes dans lesquelles se déploie la vie de l’homme d’aujourd’hui. On n’évangélise pas les personnes en profondeur sans évangéliser les cultures,
– A la Parole de Dieu qui demeure le point de référence, même si les interprétations théologiques sont inévitables et nécessaires.
« L’Eglise n’investit pas le meilleur de ses forces dans le domaine de la recherche et de l’intelligence croyante. On le paiera cher. Ni le piétisme niais, ni l’agitation pastorale, ni la répétition de slogans ne peuvent suppléer à la carence de la pensée. On n’ose pas aborder les problèmes de fond. On se perd en inventions de recettes, de trucs publicitaires qui sont des excitants ou des calmants, et non une nourriture saine et substantielle. » (Pierre Dabosville, 1950)
« Nous n’avons pas seulement à contempler la vérité, nous avons à marcher pour l’atteindre. C’est que la vérité ne consiste pas en idées définies ou définissables, mais en cette réalité vivante et complexe qui s’appelle l’être de Dieu et l’être des autres. » (Lucien Laberthonnière, 1904)
Il faut faire la vérité pour venir à la lumière.
Une attention première à Jésus-Christ
L’exemple vient de haut : Dieu n’a pas craint de rejoindre, en Jésus-Christ, le monde des hommes et d’assumer son destin. Sa parole se fait homme, et par là devient audible. Alors Dieu peut, en mots humains (les seuls qui parlent) se révéler, lui, et révéler l’homme à lui-même. Il est aléatoire de chercher en ne contemplant que soi : en l’homme, Dieu se profile, Jésus est le passage obligé de l’un vers l’autre.
« Je cherchais mon âme, mais je ne la trouvais pas.
Je cherchais mon dieu, mon Dieu m’échappait.
Vous m’avez montré Jésus.
Avec lui, j’ai trouvé mon âme et mon Dieu.
Je cherchais deux choses et j’en ai trouvé trois. » (Poème hippie)
Ces traits divers reflètent un même souci. Longtemps, la crainte d’être submergé a marginalisé l’Eglise, la laissant sur la berge de l’histoire. Le monde s’est alors construit sans elle et, souvent, contre elle. En réalité, l’homme ne rencontre que l’homme et si Dieu existe, c’est à travers l’homme qu’on peut le rencontrer. Dieu ne peut être présent là o๠les croyants ne le sont pas.