Le père Raphaël Clément est prévôt de la Congrégation de l’Oratoire de Dijon, érigée en 2011 et membre de l’Oratoire philippin depuis 1996. Il revient sur quelques traits fondamentaux de Philippe Néri, fondateur de la congrégation.
« Une figure originale et attrayante » est le titre d’un article que vous avez écrit en 2021, pouvez-vous revenir sur ces deux adjectifs ?
Raphaël Clément : originale car Philippe est hors du cadre habituel pour plusieurs raisons. Tout d’abord, c’est un Florentin qui arrive àRome, première originalité, avec la différence culturelle que cela représente. Puis, ce sera un original dans Rome, une sorte de staretz romain. Sa méthode de l’Oratorio comme exercice spirituel propre est également originale. Enfin, fonder (malgré lui) une congrégation de prêtres qui ne prononcent pas de vœux au service de l’Oratorio, en formant des petites communautés, c’est original. Par ailleurs, sa figure est attrayante, comme le sont sa jovialité et son union au Christ. Car c’est un homme de la prière, un homme du seul avec le Seul, du contact brûlant àDieu. Il attire au Christ, quitte às’esquiver ensuite (beaucoup sont passés par lui pour intégrer un ordre, comme entrer chez les dominicains, les jésuites ou les barnabites). Louis Bouyer cite dans Le Socrate romain cette scène où àla fin d’une journée, ils ne sont plus que quelques-uns en prière devant une icône ou un tableau, Philippe, lui, est parti. Il sait s’effacer.
Qu’en est-il de son humour légendaire ?
R.C : L’humour, c’est son outil propre, c’est SA figure de sainteté. Il s’en sert àla fois comme paravent pour cacher ce qu’il vit (les extases, la chaleur de l’Esprit qui le brûle), mais aussi pour humilier ce qu’il n’y avait pas d’humble chez certains qui deviennent les victimes de ses facéties. Parfois, il peut être caustique, voire brutal. Il gifla un jour une femme qui se disait mystique, afin de mettre en lumière la supercherie. A une autre, qui lui avouait en confession être médisante, il l’envoya plumer une volaille dans la rue puis la semaine d’après, lui demanda de retourner ramasser les plumes. La leçon était simple : il est impossible de réparer le mal de la médisance… Louis Ponelle et Louis Bordet parlent d’un compagnon « soudain, divers, vivace »*.
Philippe Néri n’a laissé quasiment aucun écrit et pourtant, il continue de rayonner…
R.C : Le Pape Grégoire XV, qui canonise Philippe en 1622, en même temps qu’Ignace de Loyola, François Xavier et Thérèse d’Avila, ses contemporains, ainsi qu’Isidore le laboureur, qui est né au XIe siècle, ne s’est pas expliqué sur le programme de cette canonisation particulière des cinq. Sachant qu’Ignace, François Xavier et Thérèse sont des monuments qui ont donné naissance àdes traditions spirituelles hors du commun, àcôté desquelles l’Oratoire paraît une bien petite chose, avec ses 86 maisons dans le monde, pour environ 550 Oratoriens. Malgré tout, l’Oratoire garde une postérité, avec ses figures marquantes au long des siècles (Baronius et Tarugi au XVIIe, Valfré au XVIIIe, Newman au XIXe) et àtravers actuellement une vingtaine de projets de fondation d’Oratoire philippin dans le monde.
*Louis PONELLE et Louis BORDET, Saint Philippe Néri et la société romaine de son temps, Paris, Bloud et Gay, 1928, p. 118.
Saint Philippe Néri, une figure originale et attrayante, par le P. Raphaël Clément, dans Revue Prêtres Diocésains, n° 1570, avril 2021, pp. 170-177.
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