Sauver la Bible du fondamentalisme, un livre de John Shelby Spong
Avant propos du livre de John Shelby Spong « Sauver la Bible du fondamentalisme » (Parution en septembre 2016 aux éditions Karthala) par le Père Dumont, de l’Oratoire de France.
En décembre 2013, les éditions Karthala publiaient en français le premier livre de l’évêque anglican américain John Shelby Spong : Jésus au XXIe siècle (en anglais Jésus for the Non-Religions). Depuis lors, deux autres livres ont suivi : Né d’une femme. Conceptions et naissance de Jésus dans les évangiles (juin 2015) et La Résurrection, mythe ou réalité ? (mars 2016). Avec ce quatrième titre, Sauver la Bible du fondamentalisme, nous disposons d’un premier corpus des écrits de l’évêque Spong. En trois ans, l’homme et sa pensée commencent à être connus dans les pays de langue française. Des groupes lisent et étudient ces livres. Des notes de lectures, à vrai dire trop peu nombreuses, sont parues dans la presse.
Sauver la Bible du fondamentalisme est un livre publié en 1991, alors que John Spong, évêque depuis 15 ans du diocèse de Newark (État du New Jersey), avait déjà atteint une très fine connaissance des acquis de l’exégèse moderne (XIXe et XXe siècles), dont la majorité des travaux sont disponibles en anglais. Ce qui fait l’originalité de sa démarche, tranchant sur celle beaucoup de ses pairs évêques anglicans et catholiques, c’est de présenter le message chrétien en tenant compte sans les esquiver des résultats de la recherche exégétique et d’initier lui-même des formations à la lecture de la Bible selon la méthode critique, universellement reconnue. Il est l’un des pionniers en la matière sans être toujours compris dans sa propre Eglise et a fortiori dans les autres.
Beaucoup de théologiens en effet, par peur de remettre en cause la doctrine classique, renâclent à repenser la foi chrétienne en intégrant les données des travaux exégétiques dont ils minimisent la valeur confirmée. Quant aux responsables, par ignorance ou par crainte eux aussi, ils campent sur des positions traditionnelles et continuent de présenter aux croyants ordinaires et aux pratiquants des cultes dominicaux un enseignement reposant sur une lecture fondamentaliste de la Bible. Ainsi, les recherches en exégèse restent-elles une affaire de spécialistes en chambre, sans être prises en considération ââ€â‚¬ combien de sujets tabous ! ââ€â‚¬ par les théologiens, les évêques et les prêtres.
Pourquoi les uns et les autres se montrent-ils si peu soucieux, pour ne pas dire apeurés, de devoir livrer la puissance des textes bibliques, lorsqu’on les lit d’une manière non fondamentaliste[1] ? J. Spong au contraire loin de redouter cette démarche en manifeste courageusement les fruits positifs. Dans La Résurrection, mythe ou réalité ?, il montre entre autres comment la méthode juive du midrash, qui permet de relire le présent à la lumière des textes anciens de la Bible, rend vivants et dynamiques des éléments de la foi chrétienne. Ainsi révèle-t-il comment une nouvelle lecture non littéraliste de la Bible peut révolutionner la manière de repenser cette foi et d’en vivre à notre époque. La fidélité n’est pas répétition mais recréation. Chantier exigeant qui est la condition de la crédibilité du christianisme en notre temps.
Des personnes nous ont demandé pourquoi publier en 2016 un livre paru aux États-Unis en 1991. C’est précisément parce que, dans la majorité des Églises, à commencer par la catholique, on n’a pas tiré les conséquences des acquis de la recherche biblique pour une nouvelle vision de la foi, alors que dominent toujours dans la pratique et dans l’opinion les affirmations traditionnelles des dogmes et des catéchismes. Des affirmations qu’un grand nombre de femmes et d’hommes d’aujourd’hui ne comprennent plus et n’acceptent plus.
« Un système religieux, écrit J. Spong page 124, qui exige que l’on adopte une lecture littérale de la Bible est à fuir absolument. Pour ma part, je m’en écarte sans peur car, même en subissant de multiples ravalements, ce système sera incapable de survivre car il repose sur des fondations tout à fait inadéquates. Il est impossible de redonner vie à un cadavre par un simple lifting facial, on ne peut que conserver un instant l’illusion de la vie. Beaucoup de gens, amis ou ennemis, considèrent que la religion organisée telle que nous l’avons connue en Occident est moribonde. Les renaissances périodiques du fondamentalisme sont des anomalies momentanées sur l’électrocardiogramme de l’histoire religieuse.
S’il existe pour notre temps le moyen d’accéder à une tradition religieuse vivante, nous ne le trouverons pas grâce à un bricolage maladroit de structures héritées du passé. Nous le trouverons plutôt en mettant ces structures de côté, en choisissant un nouveau point de départ, une nouvelle voie d’accès à la vérité religieuse, quelle qu’elle soit, et en poursuivant sans relâche, avec détermination, honnêteté et courage, l’exploration de cette nouvelle terre. »
Robert Dumont, oratorien,
directeur de la collection « Sens et conscience »
[1] Dans son intervention Exégèse et théologie au colloque de Montpellier tenu en 2007 sur la situation de la théologie après le concile Vatican II, l’éminent bibliste catholique français Pierre Gibert déplore le peu de cas que des théologiens font des découvertes exégétique avérées. De même qu’il regrette que dans le catholicisme le dernier mot sur l’expression de la foi appartienne au magistère (Rome). Il conclut : « Les théologiens [sont désormais contraints] à ne plus se dérober, à ne plus chercher de faux fuyants, mais à affronter la réalité, quel qu’ait été le passé de certitude des siècles antérieurs ». Les questions posées par la pratique de J. Spong sont donc tout à fait d’actualité. Cf. Un nouvel âge de la théologie 1965-1980, colloque de Montpellier, chapitre XV, Karthala, 2009